FESTIVAL DU CINÉMA AMÉRICAIN DEAUVILLE : « Une Amérique en pleine tempête »

Festival de Deauville : date, jury, sélection... Tout savoir sur l'édition  2025C’est « un monde de résistance » que racontent les films présentés en compétition au Festival du Cinéma Américain, qui a décerné son Grand Prix à « The Plague », et récompensé les premiers films en tant que réalisatrices de Kristen Stewart et Scarlett Johansson.

Deux stars, actrices américaines renommées, ont été récompensées au palmarès du 51ème Festival du Cinéma Américain, chacune pour le premier film qu’elles ont réalisé : Kristen Stewart pour « The chronology of water » (Prix de la Révélation) et Scarlett Johansson pour « Eleanor the great » (Prix du Public). Mais c’est « une Amérique en pleine tempête », ainsi que le constate Golshifteh Farahani, présidente du jury, que raconte les films présentés en compétition.

« Tous ces films racontent l’abandon, l’abandon du service public, de l’écoute, de la solidarité… », note l’actrice, « Le cinéma indépendant américain ressemble à un monde de résistance » : il évoque « une Amérique qui vacille », « une fuite en avant libérale, cynique », « un miroir fracturé de l’état du monde ». « Il faut entendre ce que ces films hurlent : il est temps de se rassembler », ajoute Golshifteh Farahani, « La plupart des films parlent des enfants, quel monde on va laisser à nos enfants ? ».

C’est donc à un film sur l’enfance et l’adolescence que le jury a décerné son Grand Prix, « The Plague » de Charlie Polinger (qui a également reçu le Prix de la critique). « Oui, on peut être cruel à treize ans », montre ce film sur le harcèlement, un mécanisme d’emprise dont est victime un gamin marginalisé dans un camp de water-polo, où il devient le nouveau « pestiféré », moqué et humilié. Deux Prix du Jury ont également été décernés : à « Olmo » de Fernando Eimmbcke, l’histoire d’un gamin mexicain qui s’occupe de son père grabataire, et « Omaha » de Cole Webley, road-movie d’une famille jetée sur la route après avoir été expulsée de sa maison.

« Un film sur les femmes qui saignent 

« C’est un film très important pour moi », confiait Kristen Stewart avant la projection de « The chronology of water », « un film sur les femmes qui saignent et ne peuvent pas appeler à l’aide ». Le Prix de la Révélation convient parfaitement à l’actrice de « Twilight », qui se révèle effectivement en tant que réalisatrice avec l’adaptation de « La mécanique des fluides » de Lidia Yuknavitch. « On m’a beaucoup dit que ce livre était inadaptable, j’en ai retiré des voix, la meilleure manière d’y être fidèle était de le casser, de le refragmenter », assure Kristen Stewart, plus féministe que jamais, qui raconte le parcours, les égarements d’une jeune femme, abusée par son père, et trouve une forme de salut dans l’écriture.

C’est à un film « coup de poing, percutant » qu’a été décerné le Prix Canal+, « Sovereign ». « C’est un sujet complexe qui touche beaucoup les Etats-Unis », précisait son réalisateur Christian Swegal, qui s’est inspiré d’une histoire vraie pour évoquer ces citoyens « souverains », à l’esprit contaminé par les théories complotistes. Finalement, Scarlett Johansson a apporté un rare sourire et un peu d’optimisme dans un échantillon de désespoir, ce qui a certainement incité le public à décerner son Prix à « Eleanor the great » ; il est vrai que cette Eleanor (jouée par June Squibb) est un incroyable personnage de vieille dame juste un peu indigne, affabulatrice et inventeuse d’histoires, prise au piège de ses mensonges.

« Pas de cinéma américain sans le cinéma français »

C’est en présence de sa fille Clea que le Festival de Deauville a rendu hommage à l’acteur Paul Newman, celle-ci rappelant l’engagement humanitaire de son père légendaire, qui avait décidé que ce serait « tout pour les enfants ». Autres comédiens honorés, l’acteur australien Joel Edgerton (par ailleurs producteur du Grand Prix « The Plague ») et l’actrice Zoey Deutch, qui incarne Jean Seberg avec une incroyable ressemblance dans « Nouvelle Vague » de Richard Linklater, présenté au Festival. Ce film, qui raconte les péripéties du tournage de « A bout de souffle » par Jean-Luc Godard, est « une déclaration d’amour au cinéma français », estime Zoey Deutch.

« Hollywood et la France sont les deux grandes patries du cinéma », ajoute l’actrice, en écho à toutes ces déclarations qui n’ont eu de cesse de rappeler les passerelles entre les cinéma français et américain. A commencer par le destin de la cinéaste française Alice Guy, pionnière du 7ème art partie faire carrière aux Etats-Unis, et à laquelle le Festival a consacré un Focus. « Il n’y a pas de cinéma américain sans le cinéma français, et inversement », assure le réalisateur Clint Bentley (« Train dreams » avec Joel Edgerton). « Le cinéma français laisse plus d’espace aux personnages », estime Kristen Stewart, qui a évoqué son attirance pour le « french cinema ». « La France est un écrin pour les auteurs américains, qui viennent chercher une liberté en France », constate le producteur Charles Gillibert.

« Nouvelle Vague » (sortie en France le 8 octobre) est ainsi une production française, un film réalisé par un cinéaste américain, consacré à un mouvement du cinéma français, la boucle est bouclée.

Patrick TARDIT

51ème Festival du Cinéma Américain, www.festival-deauville.com

Date de dernière mise à jour : 14/09/2025

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