
Avec 58 % des voix, il gagne la présidentielle chilienne et pourrait rapprocher le Chili de l’Argentine de Milei.
La confirmation d’une bonne nouvelle, même prévisible, est toujours agréable à recevoir. Il est même possible que, ce dimanche, Javier Milei se soit exceptionnellement laissé tenter par une petite flûte de champagne pour fêter l’imposante victoire de José Antonio Kast à la présidentielle chilienne. En effet, avec 58 % des voix, ce dernier bat sèchement Jeannette Jara, issue du Parti communiste qui prétendait succéder au président sortant, Gabriel Boric. Il est vrai que ce dernier, tout aussi gauchiste mais, de plus, responsable d’une gestion démagogique désastreuse, surtout au niveau de la sécurité, ne lui aura pas simplifié la tâche.
José Antonio Kast, 59 ans, représente la droite nationale. Ce père de neuf enfants, catholique pratiquant, défenseur de la vie depuis l’origine jusqu’à sa fin naturelle, a des positions très fermes sur l’immigration et ses convictions antimondialistes ne l’empêchent pas de prôner un libéralisme réaliste, dans la ligne de certains de ses prédécesseurs avant l’intermède néfaste de Boric. Il arrive au palais de la Moneda avec l’appui de deux autres candidats battus au premier tour : Johannes Kaiser, un peu plus proche du style et surtout de la forme Milei, ainsi que Evelyn Matthei, représentante de la droite classique. Si bien que le 11 mars prochain, l’écharpe tricolore bleu-blanc-rouge (mais oui…) sera arborée par un pur produit de l’union des droites parfaitement hermétique au socialisme et au wokisme ambiant.
Tandem avec l'Argentine ?
Cet événement est très important pour l’Argentine de Milei. Avec 5.300 km de frontières communes, les deux pays ont, depuis leur création, entretenu des relations fort complexes dans la reconnaissance des limites territoriales jusqu’à la fatidique année 1978. Cette ultime dispute au sujet de trois îlots (en réalité, trois gros cailloux théoriquement stratégiques au fin fond du canal de Beagle, au sud de la Terre de Feu), avait tourné à l’aigre et les deux armées se trouvaient dans la toute dernière ligne droite avant le clash. L’embrasement semblait inévitable, sauf que la fine et persévérante diplomatie du pape Jean-Paul II parvint à mettre un terme à cette folie qui n’aurait pas forcément tourné à l’avantage de l’Argentine. Les îlots furent déclarés chiliens. Près d’un demi-siècle plus tard, le bellicisme n’est plus de mise, les deux économies sont ou devraient être complémentaires. Cette restriction étant à mettre encore, en partie du moins, au passif des péronistes/kirchnéristes, toujours habiles à compliquer l’ouverture du pays.
En fait, les deux pays sont très différents. La richesse potentielle de l’Argentine est bien connue de nos lecteurs. Le Chili a une superficie quatre fois moindre, étalée sur une longueur de 4.300 km à vol d’oiseau, encastrée entre le Pacifique et la cordillère des Andes qui culmine à près de 7.000 mètres. La moitié nord du pays est un désert. L’Atacama a la pluviométrie la plus basse au monde. La partie agronomiquement utile s’étend sur 600 km au sud de la capitale, Santiago. L’Araucanie, au sud, est un paradis touristique de fjords, d’îles et de glaciers. Les richesses naturelles sont le cuivre et la pêche. Le peuple chilien est résilient et travailleur.
En politique, la chance du Chili est d’avoir échappé à l’emprise d’un populisme aussi pervers et corrompu que le péronisme. À partir de 1970, tout a basculé avec la tragique expérience marxiste de Salvador Allende, arrivé au pouvoir grâce à la cécité des démocrates-chrétiens. Lorsque les vieux avions Hawker Hunter ont bombardé le palais de la Moneda, le 11 septembre 1973, la courbe de la décadence s’est inversée et les dix-sept ans de régime d’Augusto Pinochet ont remis le pays sur les rails de la prospérité économique, en le préparant à une alternance entre démocrates-chrétiens, gauche et centre droit, peu enthousiasmante mais raisonnable en économie et surtout très peu corrompue. Plus de 50 ans après, la droite nationale revient donc triomphalement au pouvoir.
Les chiffres sont là et têtus. En 1970, Le PIB chilien était égal à 28 % du PIB argentin. Il atteint aujourd’hui 52 %. Le PIB par habitant est maintenant supérieur de 20 % au PIB argentin, et les exportations de 25 %. L’économie chilienne est la mieux notée d’Amérique du Sud.
Il est probable que le tandem Kast-Milei fonctionne à merveille pour établir une synergie profitable aux deux pays. Après la Bolivie qui vient de passer à droite, le Paraguay qui vit un boom économique, le cône sud se porte bien, ce qui doit ravir, entre autres… un certain Donald Trump.
Michel de Saizieu