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Comment Emmanuel Macron embrouille les Français

Mais jusqu'où descendra-t-il ?

Viol : Macron veut inscrire le consentement dans le droit français

 Pourquoi Emmanuel Macron, sévèrement sanctionné par les sondages dès qu'il parle de guerre à la Russie, persiste-t-il ? Avec 72 % de mécontents selon l'Ifop en cette mi-mars, le président de la République accuse une baisse de 10 points en quelques semaines, comme son prédécesseur François Hollande lorsque celui-ci envisagea en 2013 une intervention de la France en Syrie sans être assuré du soutien du président américain Barack Obama. Mais cela ne l'empêche pas de revenir sur le sujet, au risque de mécontenter à la fois nos partenaires européens et le peuple français.

Pourquoi, d'ailleurs, Macron prend-il désormais la parole si souvent, au risque de paraître fébrile et de n'être pas compris de ceux qui n'ont ni les moyens ni le temps de lire tous les matins la presse écrite et de regarder tous les soirs les émissions politiques à la télévision ? Mercredi 20 décembre 2023 sur France 5, le président prend avec insistance la défense de Gérard Depardieu, l'acteur qui « rend fière la France ». Lundi 19 février 2024, alors que L'Humanité publie un portrait à charge d'Alexis Navalny, le héros russe qualifié « de militant d'extrême droite » par le quotidien communiste, le président français accorde à L'Huma une interview de six pages : il ne veut « pas laisser le combat contre l'immigration clandestine à l'extrême droite ». Mardi 27 février, à l'issue d'une réunion rassemblant à l'Élysée 27 chefs d'État et de gouvernement pour le soutien à l'Ukraine, il tient une conférence de presse appelant les Européens à la résistance contre la Russie de Poutine : « C'est notre sécurité à tous dont nous parlons. Un sursaut est nécessaire de notre part à tous. »

Ne pas être lâches !

Mardi 5 mars, à Prague, et alors que le chancelier allemand répète que l'Allemagne est « le plus grand contributeur de la résistance à l'envahisseur », le président français monte d'un cran : il exhorte ses alliés à « ne pas être lâches ». « Ceux qui posent des limites à leur engagement, insiste-t-il, ne font pas le choix de la paix, mais de la défaite. » Lundi 11 mars, dans Libération et La Croix, auxquels il accorde quatre pages d'entretien, nouveau sujet : une grande réforme sur la fin de vie?

On songe au célèbre conseiller en communication de François Mitterrand puis de Jacques Chirac, Jacques Pilhan, dont la règle d'or fut : « Que la parole présidentielle soit rare ! » Les temps ont changé. Les chaînes de télévision, les réseaux sociaux? Dès 2005, d'ailleurs, Nicolas Sarkozy avait rompu avec les principes de ces prédécesseurs. François Hollande, à son tour. Mais le jeune Macron, lui, semblait vouloir revenir à une communication plus « monarchique ». La surprise est d'autant plus grande lorsque, dimanche 17 mars, alors qu'il revient d'un « sommet tripartite » à Berlin avec le Premier ministre polonais Donald Tusk et surtout le chancelier Olaf Scholz (qui ne veut toujours pas entendre parler d'engagement de troupes allemandes dans la guerre !), le chef des armées françaises lâche à nouveau, devant le rédacteur en chef du Parisien-Aujourd'hui Dimanche qui l'accompagne dans l'avion : « Notre devoir est de nous préparer à tous les scénarios? Peut-être qu'à un moment donné ? je ne le souhaite pas, je n'en prendrai pas l'initiative ?, il faudra avoir des opérations sur le terrain. »

En vue des élections européennes ?

Entre-temps, le 8 mars, Journée des droits des femmes, une cérémonie a eu lieu au ministère de la Justice, place Vendôme. Cinquante ans après le vote de la loi Veil, on célébrait l'inscription dans la Constitution du droit à l'avortement. Le président prenait le bras de l'opposante LFI Mathilde Panot, en robe verte, et de la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, en robe blanche. Deux femmes incarnant, à 35 et 53 ans, le renouveau de la démocratie française ! Il saluait « un long combat pour la liberté ». Vingt-quatre heures de fête nationale exceptionnelle allaient réunir, de la Bastille au Trocadéro, la gauche, la droite et le centre. Mais dès le surlendemain, et alors qu'on s'attendait à le voir profiter de cette phase exceptionnelle d'union nationale, le chef de l'État changeait brutalement de sujet : il entendait repartir au combat contre le président russe Vladimir Poutine, l'ennemi à abattre.

Non sans avoir rappelé que l'un des premiers gestes du jeune président, à peine installé à l'Élysée, fut de réduire le budget des armées ? provoquant ainsi, le 19 juillet 2017, la démission sans précédent du chef d'état-major Pierre de Villiers ?, l'un des généraux que l'on voit désormais presque tous les soirs à la télévision s'inquiète : « Le président prend la tête d'une croisade. Mais avec quelles troupes et quels alliés ? » Et l'un de ses confrères retraités, qui connut de près les présidents François Mitterrand et Jacques Chirac, insiste : « La guerre, ce n'est pas rien? Notre jeune président en ignore tout, lui qui n'a pas fait de service militaire. Pour commencer, et après tant d'années de baisse, il faudrait augmenter fortement le budget de nos armées, en passant de 2 % à 3 % du PIB? Quand on veut être fort, il faut les moyens ! »

Est-ce la même crainte qui habite les Français, décidément hostiles, dans leur grande majorité, au discours guerrier de l'Élysée ? Ou bien soupçonnent-ils une man?uvre électorale ? Un troisième général s'interroge à voix haute : « J'espère qu'il ne s'agit pas d'une ambition à court terme : les élections européennes de juin? » C'est la question, bien sûr, que tout le monde se pose désormais. Lundi soir encore, recevant les élus du Crif à dîner à l'Élysée, le président de la République en campagne accusait Marine Le Pen d'antisémitisme.

Ce discours allait-il faire baisser le RN et monter la liste Renaissance aux élections européennes, menée par Valérie Hayer ? Emmanuel Macron a décidément trop parlé. Ou pas assez !

Christine Clerc

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 19/03/2024

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