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Le couple Manouchian au Panthéon : la nouvelle lubie d’Emmanuel Macron !

Au prix que coûte le fonctionnement de l’Élysée aux contribuables, ces derniers seraient en droit d’attendre que les conseillers d’Emmanuel Macron lui transmettent des fiches dignes de ce nom, et pas seulement la recension de l’horoscope de Télé 7 Jours. La preuve par la panthéonisation précipitée de Missak Manouchian et de son épouse, Mélinée.

21 février 1944 : le Groupe Manouchian, mort pour la France - Licra -  Antiraciste depuis 1927

Tout d’abord, résumons. Il s’agit là de célébrer la mémoire de résistants ; ceux du groupe Manouchian. Seulement voilà, c’est un peu plus complexe que ça, sachant que derrière cet intitulé tardif, il y a la FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans-Main d’œuvre immigrée). Soit 23 résistants fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien par les troupes d’occupation. Leur point commun ? Ils étaient tous étrangers et majoritairement Juifs, à en croire la fameuse « Affiche rouge » alors placardée sur les murs de France et évoquant ce « crime au service du judaïsme ».

Résultat, l’historienne Annette Wievorka, à l’occasion d’un entretien accordé au Monde, ce 16 février, s’insurge : « Parler de “Groupe Manouchian” ne correspond à rien. Ce dernier n’a pas constitué de groupe. Il a fait partie d’une organisation globale où il a exercé des responsabilités. L’expression, au demeurant, est tardive : elle apparaît en 1954, lorsque les communistes parisiens obtiennent qu’une rue soit nommée “Groupe-Manouchian”. »

Le rôle inavouable du PCF…

Pourquoi de tels arrangements historiques ? Tout simplement parce que le PCF, vainqueur à la Libération, a pris ses aises avec son passé durant l’Occupation. Une fois encore, rappelons que jusqu’à la rupture du pacte germano-soviétique, il était allié passif de l’occupant et qu’il lui fallait ensuite se refaire d’urgence une virginité patriotique. Et donc effacer tout ce que la FTP-MOI pouvait représenter « d’étranger ».

D’où le poème Strophes pour se souvenir, de Louis Aragon, dont Léo Ferré tire sa chanson, L’Affiche rouge. Et là, le grand silence sur la judaïté de ces résistants. Annette Wievorka : « Le mot “juif” n’apparaît pas une seule fois dans le poème d’Aragon. » Nous sommes dans les années 50 et, poursuit-elle : « On ne peut comprendre ce poème sans le replacer dans le contexte soviétique », celui du « Procès des blouses blanches », soit celui de ces médecins juifs suspectés d’avoir voulu empoisonner Joseph Staline, ce qui conduisit l’URSS à poursuivre la politique antisémite qu’on sait. Annette Wievorka, toujours : « Aragon écrit au service d’un parti qui est lui-même au service de l’URSS. » D’où la « déjudaïsation » de la FTP-MOI et la mise à l’honneur du couple Manoukian qui, d’origine arménienne, fait peut-être un peu moins désordre dans le paysage.

Ce que confirme un journaliste bien connu de nos lecteurs, Benoît Rayski, pilier historique de BV, dont le père, Adam Rayski, fut l’un des dirigeants de ce réseau de résistance hors du commun, et qui nous confirme : « Après la guerre, le PCF se voulait plus français que les Français, tant il avait à se faire pardonner de sa collaboration, durant les premiers temps de l’occupation. » C’est donc cette forme métaphorique d’épuration ethnique qu’Emmanuel Macron s’apprête à faire entrer au Panthéon, complaisant ainsi à la politique plus ou moins antisémite d’un parti ne se situant alors ni vraiment à gauche ou à droite, mais plutôt à l’Est, tel que l’affirmait Léon Blum en son temps.

La FTP-MOI trop « juive » aux yeux des communistes ?

Les propos de Benoît Rayski sont d’autant plus à prendre au sérieux, qu’il en profite pour tordre le cou à cette hypothèse, souvent répandue dans certains milieux de droite, ayant longtemps voulu que le PCF ait dénoncé la FTP-MOI aux armées allemandes : « C’est parfaitement faux. Celui qui a trahi mon père et les siens n’était autre que Joseph Davidovitch, le commissaire politique du réseau. Je ne saurais le juger a posteriori, sachant qu’il a avoué sous la torture. » Ce qui est parfaitement logique : on n’est jamais trahi que par les siens, ce que confirme son père, Adam Rayski, même s’il admet avoir été lâché par le PCF : « En mai 1943, devant le bilan des pertes des organisations juives, j’ai demandé le repli. Le transfert de notre direction dans la zone Sud. Le Parti a refusé, qualifiant cette attitude de “capitularde”. »

Et Benoît Rayski de rappeler que lors des premières commémorations du martyr de la FTP-MOI, au siècle dernier, son père se trouva bien seul, à la tête de son association, l’Union des Juifs pour la résistance et l’entraide, alors que les représentants du PCF étaient aux abonnés absents…

Et aujourd’hui ? Malgré les bisbilles internes à ce qui reste du PCF, Annette Wieviorka persiste : « La mémoire n’est pas l’histoire. (…) Chacun doit être dans son rôle. Celui du Président de la République est de conduire une politique de mémoire. Celui de l’historien est de déconstruire les légendes pour essayer de faire émerger des récits plus conformes aux faits. Le problème commence quand les rôles se confondent et que les politiques prétendent lire l’histoire. »

Benoît Rayski, qui s’y connaît mieux que quiconque en ces deux domaines, est plus cruel encore : « Emmanuel Macron a eu tort. Tout le monde a le droit de célébrer la FTP-MOI, même Marine Le Pen. Le PCF, un peu moins. Mais ce parti n’existe plus. C’est heureux et c’est plutôt une bonne chose. Paix à ses cendres. » On ne saurait mieux dire.

Nicolas Gauthier

Date de dernière mise à jour : 19/02/2024

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