L’Arctique libre de glaces en 2035, ça donne quoi pour le business ?

ET TANT PIS POUR LES OURS - Ressources minières, hydrocarbures, routes maritimes et tourisme… la perspective d’une mer Arctique libre de glaces est pleine d’opportunités sans pour autant être un nouvel Eldorado.

L'océan Arctique se réchauffe depuis plus longtemps qu'on ne le pensait

L'essentiel

La mer Arctique devrait être libre de glaces les mois de septembre, a établi une récente étude publiée dans la revue Nature reviews earth & environnement.

Ressources minières, hydrocarbures, routes maritimes et tourisme, autant de secteurs d’activité qui se mettent en ordre de marche pour profiter de cette opportunité future.

20 Minutes fait le point sur les possibilités offertes par un arctique sans glace.

La perspective est à la fois glaçante et grisante. D’ici 2035, la mer Arctique devrait être libre de glaces les mois de septembre, a établi une récente étude publiée dans la revue Nature reviews earth & environnement. 2035, autant dire demain. Le passage sera même totalement libre de mai à janvier d’ici la fin du siècle, si l’on considère le scénario du pire, celui d’un réchauffement à +3,2 °C. La projection la plus optimiste, enfin question de point de vue, dans un scénario à +1,5 °C, limiterait cette ouverture d’août à novembre, sans que cela ne se produise systématiquement chaque année.

De quoi aiguiser les appétits, tant les espaces qu’il reste à conquérir et à exploiter sur la Planète bleue sont rares. Et la mer Arctique est pleine de promesses : ressources minières, hydrocarbures, routes maritimes et tourisme, autant de secteurs d’activité qui se mettent en ordre de marche pour profiter de cette opportunité future. 20 Minutes fait le point sur les possibilités offertes par un Arctique sans glace. Et tant pis pour les ours blancs.

Une route de la soie polaire

Toujours, les navigateurs ont cherché le chemin le plus rapide entre deux ports. Ainsi, un Arctique libre de glaces permettrait « 30 % de gain de distances entre les ports chinois et les ports européens », résume Hervé Baudu, de l’Ecole nationale supérieure maritime dans une publication de 2022. Par exemple, un trajet entre Rotterdam et Shanghai, deux des principaux ports mondiaux, par la route maritime nord fait 7.000 milles nautiques contre un peu plus de 11.000 par le canal de Suez par lequel circule aujourd’hui environ 10 % du commerce mondial.

Sur le papier, l’itinéraire nord semble attrayant, d’autant plus que les tensions sont croissantes autour du canal de Suez, avec des attaques de navires par les rebelles Houtis. Mais les gains de carburants et de temps sont loin d’être acquis avec « des réductions de coûts estimées à 5-16 % seulement dans les conditions actuelles, 29 % en 2030 et 37 % en 2050 », notaient les auteurs du rapport Arctique : opportunités enjeux et défis, publié en 2019.

Ces gains doivent aussi être comparés aux coûts plus élevés de la construction de navires capables de naviguer dans le cercle arctique. Il faut aussi compter avec les changements constants de vitesse et les difficultés de navigation.

La fonte de la banquise permettrait le développement de trois nouvelles routes : La route maritime nord, qui longe le nord de la Russie, et qui est déjà modestement active l’été. Le passage du Nord-Ouest, par le Canada, et la route transpolaire, qui passe au plus près du pôle et serait la dernière à ouvrir.

Un tourisme « de la dernière chance » ?

Combien seriez-vous à payer pour voir le dernier ours blanc sauvage ? Les tour-opérateurs qui proposent des expéditions dans le cercle arctique n’ont pas encore usé de cet argument marketing, mais le développement du tourisme en arctique repose en partie sur ça.

« Bien que cet essor soit souvent associé au “tourisme de la dernière chance” en raison des préoccupations liées au changement climatique et à la diminution des occasions d’observer des icebergs ou des ours polaires, il est essentiel de replacer cette croissance dans le contexte plus large du paysage touristique mondial », tempère la chercheuse Eda Ayaydin, dans le rapport 2023 de l’Observatoire de la politique et de la sécurité de l’arctique.

Et parmi les destinations stars du futur, on peut miser sur Svalbard, un archipel norvégien situé à 1.300 petits kilomètres du nord géographique. « Le Svalbard est devenu une attraction du tourisme arctique », note la chercheuse. 30.000 touristes se sont rendus en 2023 dans cet archipel peuplé de 2.000 autochtones, avec une préférence pour les mois d’été.

Le tourisme polaire est aussi porté par l’essor des croisières, comme celles proposées par l’opérateur français Ponant. Ce secteur d’activité qui pèse déjà 25 milliards d’euros au Groenland. « Le tourisme d’été a été multiplié par quatre entre 2006 et 2016 », poursuit Eda Ayaydin qui ajoute : « le tourisme hivernal a augmenté de 600 % au cours de la même période ». Reste à savoir si celui-ci maintiendra son développement dans les années à venir, malgré le recul de la banquise et la disparition annoncée des ours blancs, incapable de survivre sans banquise, ont observé récemment des biologistes dans des propos rapportés par National Geographic.

Sous la glace, hydrocarbures et terres rares

Pétrole, gaz et ressources minières : l’intérêt de l’Arctique en termes de matières premières va croissant à mesure que la surface de la banquise diminue. « L’arctique contiendrait plus de 10 % des réserves mondiales de pétrole et près de 30 % des réserves de gaz naturel », selon une étude américaine reprise par le Sénat français. Et si le Canada et les Etats-Unis ne semblent pas être les plus proactifs dans la recherche de ces ressources peu compatibles avec les objectifs climatiques, la Norvège s’est distinguée avec l’annonce d’un investissement de 17 milliards d’euros en 2023 dans le secteur des hydrocarbures et un nombre record de licences d’exploration délivrés dans l’Arctique.

Concernant l’exploitation minière en eau profonde, la Norvège est aussi à la pointe. « Le 5 décembre, le Parlement norvégien a finalement voté l’autorisation de l’exploration du plancher océanique dans la région arctique, ouvrant la voie à une potentielle exploitation », expliquent Frédéric Lasserre et Pauline Pic, dans le rapport L’année arctique 2023.

Il paraît certain que la fonte de la banquise facilitera l’accès à ces ressources stratégiques. Les perspectives d’exploitation en Arctique de minéraux rares (cobalt, lithium, tungstène par exemple), essentiels aux industries militaires et à la production de biens de haute technologie, ont même suscité la tenue d’un sommet en juillet 2023 à Washington. « Il y a notamment été mis en avant qu’à ce jour les États-Unis étaient dépendants à 95 % pour leurs importations de terres rares et minéraux identifiés comme “critiques” », rappellent Frédéric Lasserre et Pauline Pic.

 

Date de dernière mise à jour : 09/03/2024

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