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« Le Dernier des Juifs » : Pourquoi Noé Debré a longtemps hésité avant de faire ce film

Dans ce long-métrage avec Michaël Zindel et Agnès Jaoui, Noé Debré aborde la question du départ des populations juives des banlieues parisiennes, un sujet qui lui a valu plusieurs réserves.

Info-Flash - Créteil (94000) : Avant-première du film Le Dernier des Juifs  de Noé Debré

Il s’appelle Bellisha et lui, n’a pas franchement envie de faire ses valises. Dans Le Dernier des Juifs, premier long-métrage de Noé Debré sorti mercredi 24 janvier au cinéma, le scénariste de Stillwater, Le Brio et Dheepan aborde avec beaucoup d’humour et de tendresse un sujet peu documenté à l’écran : le départ des populations juives des banlieues parisiennes.

À 27 ans, Bellisha (Michaël Zindel) mène une vie tranquille aux côtés de sa mère en périphérie de Paris. Il flâne dans la cité, fait ses courses au marché, passe son temps au café, quand il ne fait pas croire à Giselle (Agnès Jaoui) qu’il était à son cours de krav-maga (auquel il n’a d’ailleurs jamais mis les pieds en cinq ans).

Contrairement à lui, cette dernière est moins sereine. Alors que la synagogue du coin a fermé depuis des lustres, elle et son fils seraient, selon elle, les derniers juifs de leur quartier. Giselle est convaincue qu’il leur faut partir à leur tour. Mais partir où ? À Saint-Maurice, cette autre ville dont on lui a parlé ? En Alsace, où un poste de rabbin attend repreneur ? Et pourquoi pas faire leur Alya vers Israël ?

Dans la tête de Bellisha, la question est épineuse. Elle a aussi beaucoup fait cogiter Noé Debré, qui s’est longtemps demandé s’il était opportun de parler au cinéma des populations juives qui quittent les quartiers populaires. « J’ai pensé qu’il ne fallait pas faire un tel film, que ce serait obscène, dérangeant », explique le réalisateur dans les notes de production.

En cause d’abord, « la crainte que l’on vise encore les musulmans » et « que ce soit récupéré par l’extrême droite », dit-il. En région parisienne, le phénomène de désertion est réel, même si le décompte est plus incertain que celui attribué par certains essayistes, comme Pascal Bruckner en 2015, ou certains médias réactionnaires,

« Et puis sur le plan du cinéma, quelque chose me dérangeait sur la représentation de la violence, ajoute le cinéaste. […] J’ai toujours un peu de mal à mettre des mots là-dessus, mais je pense qu’il y aurait une forme d’exploitation à traiter ce sujet de façon linéaire et littérale. » Pas question de faire un American History X à la française.

La légèreté de Michaël Zindel

Le dernier des Juifs ne met pas en scène d’agression physique ou verbale, à l’exception d’une série de tags antisémites retrouvés sur les murs de l’appartement de la mère et de son fils à l’issue d’un cambriolage.

L’antisémitisme n’est pas éludé, mais son traitement n’en fait pas non plus un film « identitaire », dernière grande réserve du réalisateur, selon qui « aujourd’hui, tout le monde est sommé de se définir identitairement ». Son personnage principal est juif dans le regard des autres, mais s’intéresse finalement très peu à la religion, dont il connaît les rudiments grâce à des vidéos YouTube. « Je voulais que Bellisha soit rebelle vis-à-vis de ça », déclare Noé Debré.

Il dit avoir trouvé en Michaël Zindel un acteur capable de l’aider à surmonter la difficulté du sujet. Sans en perdre son sérieux, le jeune homme - déjà aperçu dans les courts-métrages du réalisateur ou la série Jeune et Golri - apporte légèreté et poésie, comme avant lui Charlie Chaplin dans Le Dictateur ou Riad Sattouf dans L’Arabe du futur.

Valentin Etancelin

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 29/01/2024

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