Crèches de Noël : les Corses font de la résistance !

Tels les Antillais, îliens plus que fiers de leur spécificité géographique et politique tout en entretenant parfois des rapports complexes avec leur mère patrie du lointain, les Corses ont toujours pratiqué une certaine forme de particularisme insulaire.

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Ne pas comprendre cela équivaut à ne rien entendre aux subtilités de l’Île-de-Beauté, dont les habitants ne saisissent pas toujours les nôtres, plus franco-françaises, surtout lorsque concernant les crèches de Noël.

Ainsi, Corse Matin de ce 4 décembre s’interroge-t-il : « Sur le continent, le sujet est devenu un marronnier, chaque année, en décembre, la justice est saisie à propos de l’installation de crèche dans une mairie au motif du non-respect de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. » Et de citer au passage ces maires récalcitrants que sont Louis Aliot (Perpignan), Robert Ménard (Bézier) ou Julien Sanchez (Beaucaire) ; rien que des mairies estampillées RN ou apparentées. Comme quoi devant le petit Jésus venant de naître, les étiquettes politiques ne seraient plus qu’accessoires.

Du côté des élus locaux, le son de cloche est globalement le même. Pour Ajaccio : « La crèche a toujours été placée dans l’hôtel de ville. Et personne n’y a jamais trouvé rien à y redire, pour la bonne raison que la crèche de Noël fait partie de notre identité. »Quant à Laurent Marcangeli, affilié Horizons, le parti d’Édouard Philippe, ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron et édile de la cité napoléonienne, la réponse est encore plus claire : « Nous sommes attachés à nos racines, c’est notre identité. La République est laïque, la Corse est chrétienne. » À bon entendeur, salut.

Même du côté de l’opposition municipale, le laïcisme de combat a mis les drapeaux en berne, telle qu’en témoignent les propos d’Étienne Bastelica, plus ou moins apparenté communiste : « Je ne vois pas quel problème pose la vue des santons. (…) En ces temps difficiles, ça nous fait même plutôt du bien. J’ai d’ailleurs l’intention d’amener prochainement mes petits-enfants la voir, ça leur fera plaisir. Franchement, il y a d’autres sujets plus importants en Corse. » Ou quand Peponne vient au secours de Dom Camillo.

Car là-bas, il y en a qui croient au ciel et d’autres pas. Et même ceux qui préfèrent le vin d’ici, fût-il de messe, à l’eau de-là, se sentent corses avant tout. Logique, sachant que la galaxie nationaliste, nonobstant les cinquante nuances de tête de Maure que cela implique, préfère entonner le Salve Regina plutôt que La Marseillaise.

Car les fondamentaux corses demeurent immuables ; surtout lorsqu’il s’agit de leur multi-séculaire manière d’être et de vivre. Il n’empêche que les revendications locales savent aussi s’adapter à l’air du temps et leur discours politique fluctuer à l’aune des changements politiques de la très lointaine capitale parisienne. La preuve par cet entretien récemment accordé par Nicolas Battini, étoile montante de la corsitude à la revue Éléments : « Le Front régionaliste corse a mené un travail important dans les années 1960. Il proposait une autonomie socialiste corse, qui s’intégrait dans l’imaginaire marxiste et anticolonialiste. »  Bref, les « natios » d’alors se voyaient comme peuple du Tiers-monde. C’était l’époque qui voulait ça, avant qu’ils ne redécouvrent leur identité européenne.

Ainsi, Nicolas Battini poursuit-il : « Le cycle historique du tiers-mondisme en Corse prend fin pour les mêmes raisons que le cycle historique soixante-huitard : à cause de l’émergence de l’islamisme criminel et du wokisme sur le sol européen. » Résultat, toujours à en croire ce dernier : « Les Corses ont voté à 70% aux élections territoriales pour des listes indépendantistes ou autonomistes. À la présidentielle, Marine Le Pen, opposée à l’évolution institutionnelle recueille 60%, et ses scores sont élevés dans toutes les grandes communes d’obédience nationaliste ou affiliées. Pourquoi ? Parce que les Corses votent avec leur identité corse aux territoriales et leur identité française à la présidentielle. »

Dès lors, on comprend mieux cet indéfectible attachement à ces fichues crèches, pour eux symbole d’une identité locale qui résiste, tout en persistant à sauver une identité nationale en voie de renoncement, mais que les Corses persistent néanmoins à chérir, envers et contre tout. La préservation de ces crèches municipales, ici bienvenues, mais stigmatisées sur le Continent, en sont l’un des signes. Et pas des moindres.

Nicolas Gauthier

Date de dernière mise à jour : 06/12/2023

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