Traité de libre-échange : « Cet accord n’est bon ni pour le Chili, ni pour l’Europe »

Plus d’une centaine d’organisations chiliennes s’opposent à l’accord de libre-échange signé ce jeudi 29 février avec l’Union européenne. Entretien avec Lucía Sepúlveda, militante écologiste du pays sud-américain.

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Ce jeudi, les députés européens ont donné leur feu vert à la signature de l’« accord-cadre avancé » avec le Chili ainsi que de son annexe « sur la libéralisation du commerce et des investissements ». Si les Commission des affaires étrangères et du commerce international soulignent l’étendue de ces textes, avec une coopération plus approfondie dans les domaines diplomatique, sécuritaire, du changement climatique, de l’énergie durable, voire des questions de genre, le principal intérêt des Européens reste l’accès aux marchés de l’énergie et aux matières premières du Chili, et tout particulièrement l’hydrogène, le lithium et le cuivre.

Tandis qu’en France le collectif Stop Mercosur déplore l’approbation d’un texte qui « conduira à importer toujours plus de produits agricoles de l’autre bout de la planète », dans le pays sud-américain la plateforme Chili sans TLC (CS-TLC) – qui regroupe plus de cent organisations – dénonce un accord « néocolonial », négocié en toute opacité et qui ne fera que « renforcer l’extractivisme ». Entretien avec Lucía Sepúlveda, coordinatrice.

Pourquoi le collectif CS-TLC s’oppose-t-il à la signature de l’accord avec l’UE ?

Ce n’est pas le premier accord de ce genre que notre pays souscrit, l’expérience nous a prouvé qu’ils n’apportent rien de bon, au contraire. L’impact en termes écologique, de violation des droits sociaux et politiques sera important pour la population chilienne. Dans ce cas, il est clair que seule l’UE en tirera profit, en ce qui concerne sa transition énergétique par exemple. Cela se fera au prix du maintien des externalités négatives dans nos territoires. C’est certainement ce qui explique le secrétisme qui a entouré cette négociation, ce qui est intolérable du point de vue démocratique.

Quel intérêt pour un gouvernement de gauche comme celui du président Gabriel Boric de promouvoir cet accord que CS-TLC va jusqu’à qualifier de « néocolonial » ?

Je le déplore, cela ne correspond pas à une politique progressiste. Les seuls secteurs qui applaudissent cette signature sont les grands groupes économiques et leurs représentants politiques au Congrès. Auparavant, Boric parlait de démanteler le modèle néolibéral. Il a d’ailleurs fait partie, avec l’actuelle ministre et porte-parole du gouvernement Camila Vallejo, des fondateurs de CS-TLC, en 2015 (à l’époque nous nous opposions à la signature de l’Accord de partenariat transpacifique). Aujourd’hui, son gouvernement va dans le sens inverse de l’écologie car il préfère s’appuyer sur le secteur des affaires plutôt que sur les forces sociales, qui l’ont pourtant porté au pouvoir.

Quels seraient les secteurs les plus touchés avec la signature de l’accord avec l’UE ?

Se pose la question de la souveraineté sur nos ressources naturelles, et tout particulièrement pour les minéraux stratégiques – lithium hydrogène, etc. – ainsi que pour l’eau. Quid de l’impact environnemental ? Et des droits de l’homme des habitants des régions qui seront impactées, parmi lesquels nos peuples indigènes ? Personne n’a été consulté. Pourtant, les peuples Aymara et Quechua situés dans le nord du pays seront contraints de migrer si les cours d’eau s’assèchent. Dans le salar d’Atacama (un des plus grands gisements de lithium du monde, NDLR) les dommages pourraient être irréversibles…

En matière agricole, les paysans européens se plaignent de l’importation de produits de l’autre bout de la planète…

Des projets de méga-fermes sont déjà annoncés, pour exporter de la viande de volaille et de porc, avec tout ce que cela engendre comme pollution… Ce traité ne favorise que l’agriculture d’exportation, c’est-à-dire l’agrobusiness avec son cortège de toxines, dont certaines sont interdites en Europe.

Luis Reygada

Date de dernière mise à jour : 02/03/2024

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