Loi immigration : la députée Renaissance Caroline Janvier met en garde le gouvernement qui veut avancer le calendrier

Alors que l’exécutif voit ce projet comme une réponse politique à l’attentat d’Arras, Caroline Janvier rappelle que « les émotions et la peur sont de mauvais guides en politique ».

Caroline Janvier, députée La République en Marche du Loiret

« Les lois les moins pertinentes sont celles qui sont votées et débattues dans un contexte de forte émotion ». Dans une interview accordée au Figaro ce mercredi 18 octobre, la députée Renaissance du Loiret, tendance aile gauche de la Macronie, met en garde l’exécutif contre une accélération du calendrier du projet de loi immigration, alors que l’attentat commis à Arras est perçu par le gouvernement comme une invitation à agir vite sur le dossier.

Initialement, l’examen du texte, qui débutera le 6 novembre au Sénat, devait commencer en février 2024 à l’Assemblée nationale. Mais auprès de LCP, le ministre en charge des relations avec le Parlement, Franck Riester, a annoncé que le projet de loi arrivera finalement au Palais Bourbon « en décembre, pour deux semaines ». Avec, comme volonté affichée : « au moins un vote pour chaque Chambre du Parlement d’ici à la fin de l’année ».

Un coup d’accélérateur dont se méfie Caroline Janvier. « Le sujet de l’immigration est important, sensible. Légiférer en partant de situations dramatiques me paraît dangereux. Cela risque de pousser à une radicalisation des positions des uns et des autres et de produire un certain nombre d’amalgames sur les liens entre l’immigration et l’insécurité », prévient-elle, alors que Gérald Darmanin entend justement durcir son projet de loi à la lumière de l’attentat ayant coûté la vie à Dominique Bernard.

Une impasse, selon Caroline Janvier, dans la mesure où « le cadre législatif actuel aurait permis d’expulser » l’auteur de l’attaque. « La réforme législative n’est donc pas nécessaire pour répondre à la question posée par cet attentat terroriste islamiste », poursuit l’élue du Loiret, qui craint que la Macronie ne finisse par sombrer dans une surenchère face au Rassemblement national et aux Républicains.

Le précédent de la déchéance de nationalité

« Oui, il y a un risque que nous ne maîtrisions pas bien les termes de ce débat-là et que l’on mette le doigt dans un engrenage dont nous ne connaissons pas les débouchés », avertit-elle encore, en invitant l’exécutif à conserver « l’équilibre » du texte.

« Si Gérald Darmanin venait à retirer l’article 3 sur la régularisation des sans-papiers exerçant des métiers en tensions, l’équilibre de ce projet de loi, qui était déjà très difficile à trouver, serait brisé. Et il est très clair que, comme une partie des députés de notre groupe, je ne voterai pas ce texte », met encore en garde Caroline Janvier qui, au-delà d’éventuels remous dans la Macronie, redoute surtout un effet négatif « sur la cohésion nationale ».

L’élue Renaissance en veut pour preuve le débat sur la déchéance de nationalité après les attentats du 13-Novembre sous François Hollande, qui a non seulement fracturé durablement la majorité socialiste d’alors, mais a également divisé le pays pour un résultat qui a tourné au fiasco.

« Les émotions et la peur sont de mauvais guides en politique et produisent des lois qui sont souvent contre-productives ou excessives par rapport à l’objectif qu’elles poursuivent », rappelle Caroline Janvier. Pas sûr à ce stade, compte tenu du contexte abrasif, que cet appel à la retenue soit entendu.

Romain Herreros

 

Date de dernière mise à jour : 18/10/2023

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