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Macron au Proche-Orient : les ratés de l’équilibrisme

Médias et lobbys aidant, les prochaines élections (européennes) se joueront-elles sur le « soutien inconditionnel » à Israël dont, par la voix de Jordan Bardella, le Rassemblement national se veut le meilleur « bouclier pour défendre, en France, les Français de confession juive face à l’idéologie islamiste », cependant que, sur RMC, Marine Le Pen a jugé « tout à fait légitime qu’Israël souhaite l’éradication du groupe armé terroriste Hamas et qu’il se donne les moyens de le faire » ?

Macron

Bien d’autres crises, dans l’Hexagone comme à l’étranger, peuvent survenir d’ici au 9 juin 2024 et changer la donne mais le fait que, selon un sondage de l’IFOP publié le 13 octobre, 42 % des Français interrogés font confiance à Mme Le Pen « pour lutter contre l’antisémitisme », derrière Edouard Philippe (46 %) mais devant Emmanuel Macron (41 %), inquiète l’Élysée. En effet, selon Frédéric Dabi, directeur général de l’IFOP, le discours du RN « correspond à ce que disent les Français, qui placent le rejet et la haine d’Israël et les idées islamistes comme les causes les plus importantes de l’antisémitisme (77 % et 76 %), devant les idées d’extrême droite (66 %) » — contre lesquelles Jean-Luc Mélenchon se flatte d’avoir consacré samedi dernier une journée d’étude et de mobilisation.

“En même temps”… et à contre-temps

D’où, sans doute, le « en même temps » sans cesse observé tout au long de sa visite au Proche-Orient par le chef d’un État qui compte la plus grosse communauté juive et la plus forte communauté musulmane d’Europe. Car il doit à la fois ménager l’opinion judéoccidentaliste qui en tient pour la manière forte et l’éruptive diaspora musulmane qui soutient largement le Hamas, moins d’ailleurs par conviction que par réflexe racial et religieux contre les bombardements de terreur pratiqués par Tsahal dans l’attente de l’offensive terrestre armée — promise par le gouvernement Netanyahou dès le 7 octobre mais sans cesse repoussée — et qui auraient déjà fait près de 7 000 morts, des civils pour la plupart.

Faute de pouvoir imposer une vision politique, si tant est qu’il en ait une, Macron a donc durant son voyage joué à fond l’empathie en toc. D’abord avec les Israéliens, les parents d’otages et nos « compatriotes » binationaux objets de maintes accolades et embrassades, et ensuite, de loin, avec les enfants martyrs de Gaza (où 60% de la population a moins de 16 ans) écrasés sous les bombes, réduits à la famine et rejetés quasiment à l’âge de pierre faute d’eau, d’électricité et de carburant pour faire marcher les générateurs des hôpitaux submergés de blessés.

Coalition contre le Hamas… 

Lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 24 octobre avec le Premier ministre Netanyahou — qui avait affirmé en 2019 à la Knesseth : « Quiconque veut empêcher l’établissement d’un État palestinien doit renforcer le soutien au Hamas et lui transférer de l’argent. C’est une partie de notre stratégie » (1),quels que soient le fanatisme et la férocité de ce mouvement —, le président français a ainsi suggéré de «bâtir une coalition régionale et internationale pour lutter » contre l’organisation terroriste, comme cela avait été fait (avec la Russie en première ligne et comme acteur décisif) en Syrie contre Daesh. Toutefois, il a aussi plaidé pour la « reprise d’un processus de paix aboutissant à la création d’un véritable État palestinien » — que rend impossible, et il le sait bien, la colonisation systématique des Territoires occupés. Il a aussi annoncé l’envoi d’un « navire de la marine nationale pour soutenir les hôpitaux» de la bande de Gaza. »

… et mamours au « négationniste » Mahmoud Abbas

Pour faire bonne mesure, Macron s’est également rendu à Ramallah en Cisjordanie (ou ce qu’il en reste désormais) auprès du quasi-nonagénaire Mahmoud Abbas, président nominal de l’État palestinien fantoche depuis le décès (ou l’assassinat, par empoisonnement au polonium) en 2004 de Yasser Arafat alors hospitalisé à Paris, et auquel il a assuré qu’à ses yeux, « une vie palestinienne vaut une vie israélienne » et qu’il compatissait aux « souffrances des populations civiles de Gaza ».

Problème : Mahmoud Abbas est haï autant par le Hamas, qui le considère comme un « collabo », que par les Israéliens, tel l’ancien ministre israélien de la Défense puis des Finances Avigdor Lieberman qui le qualifiait récemment de « pathétique négationniste de la Shoah, qui a écrit un doctorat sur la négation de la Shoah, puis un livre sur la négation de la Shoah ». En effet, étudiant en droit à l’université Lumumba de Moscou, le jeune Mahmoud avait consacré sa thèse à la contestation des chambres à gaz homicides et réduit le nombre total des victimes juives à 890 000 contre les six millions revendiqués par le peuple élu qu’il n’a cessé de vilipender depuis, soutenant par exemple en août dernier devant le conseil révolutionnaire du Fatah que c’est « la place prise par les Juifs d’Europe dans la société d’accueil en lien avec l’usure et l’argent qui explique la discrimination de leurs concitoyens et le supplice de la Shoah ».

La France, nain diplomatique

Un infréquentable, donc, aux yeux de la loi Gayssot et de ceux qui l’appliquent sur l’ordre exprès du ministère de la Justice mais, après avoir consciencieusement épuré le Quai d’Orsay et sapé le corps diplomatique français, sans doute le minot Manu l’ignorait-il. Il lui fallait absolument la caution du monde arabe, d’où ses escales suivantes, en Jordanie dont la reine, Rania, est palestinienne, puis en Egypte, pour se concilier l’islam en France.

Au Proche-Orient, l’Élyséen a joué « le tout pour le flou », selon la plaisante formule de Libération. Mais comment avoir une politique étrangère authentiquement souveraine et indépendante quand notre voix est alignée sur un poids économique en baisse constante et, surtout, quand vit (et souvent s’agite) sur notre territoire une masse de mahométans (15 millions, affirmait déjà en 2005, dans le magazine Respect, le Franco-Algérien Azouz Begag alors ministre délégué chargé de la Promotion de l’égalité des chances auprès du Premier ministre Villepin) cependant que le pouvoir médiatique est largement aux mains de partisans d’Israël ?

Au-delà du conflit actuel et de ses protagonistes, telle est la vraie question qui se pose depuis déjà plusieurs lustres. Tout le reste n’est que gesticulations.

Camille Galic

Date de dernière mise à jour : 26/10/2023

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