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Changer la République est une urgence avérée…

Point-de-vue. Nul ne doit sous-estimer les errements de la vie politique en France et le risque de rupture républicaine apparait jour après jour plus plausible.

Journées du Patrimoine 2023 à Paris : visite de l'Assemblée nationale - sur  inscription - Sortiraparis.com

Nul ne doit sous-estimer les errements de la vie politique en France et le risque de rupture républicaine apparait jour après jour plus plausible.

Les prémices sont nombreux et incontestables : l’abstention massive, le rabougrissement des partis politiques traditionnels, le discrédit général des élus, la montée des populismes, la violence des manifestations sur le terrain…

Beaucoup expliquent le phénomène en pointant le rôle des médias, des réseaux sociaux, de quelques leaders irresponsables…

C’est facile, irresponsable et bien court : de tout temps, l’évolution des mœurs, des individus et des outils de communication, doit être intégrée dans une vision actualisée de nos institutions.

« C’est malsain et de moins en moins accepté »

Mon expérience de l’exercice des responsabilités me conduit à préconiser – même si on me dira que ce n’est pas le moment – une réforme substantielle de notre Constitution. Celle-ci a fait son temps, dans un contexte (celui de l’après-guerre) qui a évolué. Le moment est venu de mettre en place une République vraiment parlementaire, en donnant aussi plus de place aux citoyens. Chacun peut constater que le pouvoir du Parlement est réduit à peu de choses : que le Président ait ou pas une majorité claire, c’est lui avec son Gouvernement qui commande quasiment seul à l’essentiel des décisions. C’est malsain et de moins en moins accepté.

Les principales modifications que je suggère sont pour la plupart tirées d’exemples récents mis en lumière périodiquement par l’actualité. Certains points sont techniques et mal connus, mais sont bien plus importants que l’on pense…

Supprimer le tristement célèbre article 49.3

L’affaire Dupond-Moretti (mais il y en a eu d’autres auparavant) montre que le soupçon d’entre-soi des acteurs publics devant une justice sur-mesure existe. Il faut supprimer les juridictions spéciales comme la Cour de Justice de la République. Un Ministre doit répondre de ses actes devant des magistrats et dans des délais raisonnables.

Sur le même thème, les candidats à des élections doivent avoir un casier judiciaire vierge. Certes, on doit pouvoir retrouver une vie normale après l’exécution d’une condamnation. Mais la plupart de nos concitoyens vivent normalement sans être élu. Et la confiance trahie une fois ne peut être à nouveau remise en jeu.

Le Parlement ne décide à vrai dire que très peu son ordre du jour. Ainsi, des centaines de propositions de loi parlementaires, souvent déposées avec tambours et trompettes, ne sont pas étudiées une seule seconde et finissent au panier à chaque fin de législature ! Les micro-niches parlementaires n’y changent rien tant l’obstruction est praticable par le Gouvernement. Il faut donc donner au Parlement, dans la Constitution, le moyen de fixer l’essentiel de son ordre du jour.

Dans le même ordre d’idée, il est indispensable de supprimer le tristement célèbre article 49-3 permettant de donner le choix binaire entre adopter une loi ou renverser le Gouvernement. On trouvera une disposition pour qu’un budget soit fonctionnel chaque année (cela existe déjà s’il n’est pas adopté). On pourra tricoter un usage exceptionnel du dispositif sur des sujets majeurs… Mais le film du débat des retraites ne doit plus être possible.

Donner la parole au peuple

Un autre article de la constitution, peu connu (même s’il a empêché l’examen de la Proposition de Loi supprimant la réforme des retraites…), bride énormément le Parlement : l’article 40 empêche clairement tout Parlementaire d’augmenter une dépense ! Même s’il en diminue une autre ou qu’il crée une recette pour financer sa proposition ! À peine assouplie il y a quelques années, c’est une contrainte considérable et incompréhensible à supprimer.

Les moyens modernes de communication devraient permettre de donner plus facilement la parole au peuple. Réduire le débat référendaire au choix du champ dont il est le support est très largement insuffisant. Aussi la mise en place d’un référendum doit être possible, soit sous forme du Référendum d’Initiative Partagé (existant, mais dont les conditions de mise en œuvre le rendent inaccessible) soit même sous forme du Référendum d’Initiative Citoyenne évoqué notamment par les Gilets Jaunes. Il faut également réfléchir à une disposition permettant de s’assurer que le choix exprimé lors d’un référendum soit respecté.

Des députés  »hors sol »

La fin du cumul des mandats a fait naître une génération de députés « hors sol ». Il n’est effectivement pas sérieux d’être simultanément à la tête d’une grosse collectivité locale et député. Cependant, conserver un lien entre son territoire et l’échelon national en participant à un exécutif dans des proportions raisonnables oblige à prendre en compte les exigences à concilier à tous les niveaux. Les possibilités de cumul de mandats doivent être revues. Un encadrement strict des empilements des indemnités répondrait aux inquiétudes légitimes qui avaient présidé à une disposition qui a montré ses limites.

Refuser d’aller vers une République plus proche des électeurs et plus proche du peuple est suicidaire et ouvre la porte aux populismes.

Notre Constitution donne beaucoup trop de prérogatives au pouvoir exécutif. La plupart des gouvernants, une fois installés, n’ont donc plus envie d’en changer. Il faut donc très vite envisager une sérieuse réforme constitutionnelle, avant que l’irréversible ne se produise si un parti liberticide arrivait au pouvoir.

Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

Date de dernière mise à jour : 08/12/2023

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