Confinement : un problème important pour les travailleuses du sexe

Introduction par Georgi Valansthenski

Dans le douloureux contexte du confinement, il existe des métiers ou des professions dont on ne parle jamais ou si peu.

Pourtant, ces personnes ont le droit de vivre décemment comme tous les autres citoyens de notre pays, et même s'il existe pour certaines d'entre elles des tabous encore bien ancrés dans la société d'aujourdhui, le sens humanitaire doit être au-dessus de tous les préjugés et de toutes les discriminations.

Il est donc évident que le confinement a eu des effets pervers pour diverses catégories des populations, et l'une totalement oubliée de l'État et des grands médias est celle des travailleuses (ou travailleurs) du sexe qui subissent de plein fouet les règles imposées par la crise sanitaire : autorisation de déplacemernt, port du masque, distanciation sociale notamment.

Pour certaines (ou certains), les solutions de repli ont existé surtout quand elles (ou ils) bénéficiaient d'économies leur permettant de patienter avant de reprendre leurs activités. Mais pour pour la plupart d'entre elles (ou d'entre eux), la situation a été très souvernt bien différente : vivant au jour le jour de leur métier, elles (ils) se son retrouvés démunis de tout revenu, sombrant ainsi dans la plus grande fragilité sociale.

Dans un article dont vous trouverez ci-dessous le contenu, Valentin Etancelin revient sur un essai écrit par Pauline Verduzier paru au mois d'octobre dernier sous le titre "Vilaines filles". Dans cet ouvrage, la journaliste explique pourquoi le deuxième confinement actuel ne fait que creuser la précarité dans laquelle vivent à l'heure actuelle, les travailleuses du sexe.

Georgi Valanthenski*

TRAVAILLEUSE DU SEXE

 Georgi Valanthenski est une journaliste de Saint-Pétersbourg (Russie) venue en Europe en 2017.

En Allemagne, puis en Suisse, elle intègre par la suite la France à la fin de l'année 2019. Elle rejoint La France Libérée en juillet 2020. Universitaire, enseignante, parlant plusieurs langues, elle participe à plusieurs revues littéraires et historiques. En février 2021 prochain, elle publiera son premier roman français dont le titre na pas été révélé pour l'instant. Sur le site de La France Libérée, elle s'implique dans la défense des Droits de la Femme et des droits des enfants, au travers d'articles et de reportages d'investigation sur la condition féminine dans tous les milieux sociaux et notamment dans ceux qui sont les plus défavorisés.

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Article de Valentin Etancelin paru le 15 novembre 2020

"Il y a urgence. Une dizaine de jours après le vote, à l’Assemblée nationale, d’un amendement au projet de loi de finances 2021 visant à prévoir 90.000 euros d’aides pour la prévention des travailleuses et travailleurs du sexe, la mobilisation avance à l’heure du deuxième confinement. 

Ce mardi 10 novembre, le député LREM Raphaël Gérard a interpelé le gouvernement sur Twitter. Il demande la mise en place de mesures exceptionnelles. Parmi elles, la distribution de chèques services, le renforcement du soutien du ministère des Solidarités aux associations de santé communautaire et le redéploiement des crédits non consommés en soutien à celles qui offrent une aide d’urgence.

Les associations, elles, tirent la sonnette d’alarme. Le bilan du premier confinement est lourd de conséquences. Chez Aides et le Syndicat du travail sexuel, on insiste sur la nécessité de créer “un fonds d’urgence pour compenser la perte de revenu” et d’envisager “un moratoire sur les amendes, la pénalisation des clients et les arrêtés anti-prostitution”.

Une précarité exacerbée

D’après la journaliste Pauline Verduzier, toutes les travailleuses du sexe ne sont pas dans la même situation. “Il existe plusieurs configurations”, soutient au HuffPost l’autrice du livre Vilaines filles. Paru aux éditions Anne Carrière au mois d’octobre, l’essai, qui donne la parole à de nombreuses femmes et hommes en France et à l’étranger, interroge les injonctions à la respectabilité qui pèsent sur le corps féminin.

“D’un côté, il y a celles qui ont la possibilité de se confiner”, indique-t-elle. Peut-être ont-elles de l’argent de côté ou d’autres sources de revenus. De l’autre, celles qui, à l’inverse, n’ont pas les ressources nécessaires pour mettre leur activité entre parenthèses. Même s’il est difficile d’avoir un chiffre exact, cela concernerait 90% des TDS, soit plusieurs dizaines de milliers de personnes, comme l’explique à l’AFP Sarah-Marie Maffesoli, coordinatrice à Médecins du monde.

Celles-ci figurent parmi les personnes les plus en danger devant la situation actuelle. Exposées au virus, elles ne bénéficient d’aucun statut, ne les “rendant éligibles à aucune forme d’aide”, précise Pauline Verduzier. Sans revenus, une étudiante de 20 ans anciennement SDF lui a expliqué qu’elle n’avait d’autres choix que de continuer à voir ses clients, au risque de se prendre une amende pendant le premier confinement.

Des vies en danger

Les clients se font moins nombreux, mais, conscients de la situation démunie dans laquelle se trouvent les travailleuses du sexe, ils n’hésiteraient pas à négocier les tarifs à la baisse. “Plus elles sont stigmatisées ou précarisées, plus elles vont être exposées à des gens qui vont les prendre pour cible, indique la journaliste. Ils savent qu’elles n’ont pas d’autres possibilités que de s’aligner sur leur proposition.”

Pour celles qui n’ont pas de papier, c’est la double peine. À Poitiers, où Pauline Verduzier est en relation avec plusieurs associations, on lui explique que certaines des travailleuses de rue qui ont échappé à leurs proxénètes ont préféré éviter les hébergements d’urgence pour ne pas qu’on les retrouve.

Si le premier confinement a été suivi par beaucoup de travailleuses du sexe, d’après le Strass, le second risque de l’être beaucoup moins, “pour des raisons évidentes de survie économique”, commente la journaliste.

Une médiatisation inégale

C’est l’avis des associations. Depuis le premier confinement, leurs revendications trouvent un peu d’écho dans la presse. Les témoignages se multiplient, aussi. Une victoire? Pas tout à fait. Dans une lettre ouverte adressée à L’Obs, le Syndicat du travail sexuel alerte, au mois d’avril, sur la véracité des propos tenus par une source dans l’hebdomadaire. Elle affirmait qu’une travailleuse du sexe, décédée des suites du coronavirus, avait été enterrée dans le bois de Boulogne.

“Habituellement, nos associations sont très rapidement informées après la mort d’une collègue puisque c’est le genre d’information qui circule très vite. Un corps sans vie dans le bois est en général un motif d’intervention de la police. Les travailleuses du sexe, si elles n’appellent pas la police, appellent des collègues, ou des associations, et cherchent à faire rapatrier le corps au pays”, est-il écrit.

Ce n’est pas tout. “Nous voudrions dénoncer certaines expressions de l’article très stigmatisantes à l’égard de notre communauté. Le fait de parler de ‘meute’ concernant des êtres humains nous choque, tout comme le fait de les présenter comme des ‘bombes à retardement’ qui ‘sèment la mort’”, signale l’auteur du texte.

À l’ère du Covid-19, le mépris et le stigmate de la maladie qui entourent la profession perdurent. Pour Pauline Verduzier, cette médiatisation, qui oscille “entre fascination et répulsion”, irrigue le mérite des autres articles. Préjudiciable à l’ensemble des concernées, elle est consécutive de l’ensemble des constructions médiatiques dont sont victimes les travailleuses du sexe. L’amalgame avec l’exploitation sexuelle, en ligne de mire.

Des frictions communes

Dans son livre, elle rappelle que les chiffres distinguant les travailleuses du sexe indépendantes des personnes exploitées proviennent de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, un institut policier, et sont fondés sur l’observation de la prostitution de rue, uniquement. Dire que 80 à 90% de personnes en situation de prostitution sont les victimes de trafiquants est ”à prendre avec des pincettes”, souligne l’autrice. Ces statistiques reflètent les objectifs de l’institution, “notamment la cible des personnes sans papier”, ajoute-t-elle.

Mettre tout le monde dans le même panier est pernicieux. “Au nom de la lutte contre l’esclavage, on va remettre en question la parole des travailleuses du sexe indépendantes. On va leur refuser des droits, alors que ce sont des combats distincts, analyse Pauline Verduzier. En amalgamant travail sexuel indépendant et exploitation sexuelle, on n’aide personne.”

Un concept développé par l’anthropologue italienne Paola Tabet peut s’avérer, lui, beaucoup plus utile. Elle explique que, dans une société patriarcale telle que la nôtre, les échanges économico-sexuels existent en dehors de la prostitution, notamment dans le couple et le mariage sous la forme de services. “La notion permet d’appréhender les rapports de genre économiques dans les relations hétérosexuelles”, note Pauline Verduzier, d’une part.

D’autre part, ”ça permet d’illustrer que les vécus féminins, sans être comparables, peuvent relever des mêmes frictions.” Le travail de la chercheuse montre que l’utilisation de la sexualité par des femmes comme monnaie d’échange est une conséquence de la division sexuelle du travail et l’accès inégal aux ressources. “La notion montre que tout est lié, que tout ça est systémique”, appuie Pauline Verduzier. Un argument de taille, qui rappelle que les voix de toutes les femmes comptent, celles des travailleuses du sexe y compris. Confinement, ou non.

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D’après la journaliste Pauline Verduzier, toutes les travailleuses du sexe ne sont pas dans la même situation. “Il existe plusieurs configurations”, soutient au HuffPost l’autrice du livre Vilaines filles. Paru aux éditions Anne Carrière au mois d’octobre, l’essai, qui donne la parole à de nombreuses femmes et hommes en France et à l’étranger, interroge les injonctions à la respectabilité qui pèsent sur le corps féminin.

TRAVAILLEUSE DU SEXE

 

 

TRAVAILLEUSE DU SEXE

VILAINES FILLES

Vilaines filles

Les travailleuses du sexe, les clientes et la journaliste” de Pauline Verduzier est disponible en librairie, depuis le 30 octobre.

Date de dernière mise à jour : 28/11/2020

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