Pour qui roule Willy Schraen, tête de liste d’Alliance rurale aux européennes ?

La campagne des élections européennes de juin 2024 commence à peine. Les seules têtes de liste dûment estampillées ? Jordan Bardella pour le Rassemblement national et Marion Maréchal Pour Reconquête. C’est peu. En revanche, le candidat autoproclamé de la ruralité, Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, vient de sortir du bois, ayant officialisé sa candidature, ce 5 décembre, à la tête de son parti du moment, Alliance rurale.

Un nouveau mouvement politique en vue ? Rien n'est moins sûr. Une initiative plus conjoncturelle que structurelle, donc. En ligne de mire ? Le résultat de son prédécesseur, Jean Saint-Josse, au scrutin européen de 1999. Avec 6,8 % des suffrages, nos amis chasseurs faisaient jeu égal avec la liste du Parti communiste (6,78 %), s’offrant même le luxe de dépasser celle conduite par Jean-Marie Le Pen (5,70 %).

Soit le type même de l’épiphénomène politique, à rapprocher des 2,97 % obtenus aux législatives de 1991, du côté de Varsovie, par le PPPP, le Parti polonais des amis de la bière et, depuis, disparu. Il n’empêche que dans le cas qui nous occupe, les épigones de CNPT (Chasse, nature, pêche et traditions) se rappellent régulièrement à notre bon souvenir.

D’où cette question récurrente agitant aujourd’hui le microcosme médiatico-politique : pour qui roulent-ils ? Pour les Verts ? Soyons sérieux. Les Républicains ? Ces derniers ont aujourd’hui mieux à faire, s’apprêtant à un duel avec les zemmouriens, histoire de savoir qui « grand-remplacera » l’autre, ces deux formations se disputant l’électorat de la bourgeoisie conservatrice. Un fauteuil pour deux, en quelque sorte.

La piste macroniste…

Du coup, tous les regards se tournent, non sans raison, du côté du camp macroniste. Et Le Point de noter, ce 30 novembre : « Des suspicions entretenues jusque dans les rangs de proches d’Emmanuel Macron, à l’image d’un sénateur Renaissance qui, en septembre, déclarait déjà : "Tout ce qui peut faire en sorte que l’extrême droite ne ramasse pas tout, c’est bien. De facto, si Le Pen baisse, ça nous arrange". »

Mieux, encore faut-il savoir que le dernier livre de Willy Schraen, Un Chasseur en campagne, sorti en août 2020, était préfacé par un certain Éric Dupond-Moretti, l’actuel garde des Sceaux d’Emmanuel Macron. Quant à l’une des têtes pensantes de ces listes ruralistes, et désormais plus que proche de Willy Schraen, il s’agit d’un certain Thierry Coste, lobbyiste émérite et très en cour à l’Élysée.

Avec tant d’indices, même l’inspecteur Clouseau pourrait résoudre l’enquête… D’ailleurs, la biographie de notre trublion parle d’elle-même, ayant appelé par deux fois à voter Emmanuel Macron, dès le premier tour des élections présidentielles de 2017 et 2002. Logique, ayant ensuite assuré « n’avoir jamais connu de Président aussi attentif. Son attitude est une grande première : il a tout fait pour nous soutenir, sans tout nous accorder. »

Notons qu’il en aura manifestement « accordé » assez pour ce menu renvoi d’ascenseur. Bref, la ficelle, façon câble de téléphérique, est un peu grosse. Et certains des colistiers potentiels de Willy Schraen paraissent s’en être rendu compte, préférant jeter l’éponge avant même le premier coup de gong. Ainsi, le chef étoilé Pierre Gagnaire et le champion cycliste Bernard Hinault, un temps annoncés en bonne place sur la liste de cette pour l'instant fantomatique Alliance rurale, ont-ils finalement décliné l’invitation (Source, Le Monde, idem que plus haut).

L’inquiétude de Marine Le Pen…

Sans surprise, le RN y voit une « initiative poussée en sous-main », ce qui n’a probablement rien d’exagéré. Il est néanmoins vrai que Marine Le Pen a tôt pris cette initiative, téléguidée ou pas, très au sérieux, allant jusqu’à téléphoner personnellement à Willy Schraen pour lui affirmer : « C’est sérieux, votre truc ? Vous comptez vraiment aller jusqu’au bout ? […] Gardez en tête qu’une liste d’union portera beaucoup plus que des listes divisées… »

Il est vrai que si la liste de Marion Maréchal est plus complémentaire que rivale, attirant cet électorat huppé que le RN peine à capter, celui des campagnes entre là en concurrence directe avec celui de Jordan Bardella. Ce, d’autant plus que la feuille de route « schraenienne » est à la fois floue et fédératrice : « Nous, on est la liste du bonheur. On est là pour dire à l’administration et aux technocrates européens de nous respecter. »

Certes, qui ne signerait pas un tel viatique politique ? Même si, une fois encore, la ficelle est grosse. Très grosse.

Nicolas Gauthier

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Date de dernière mise à jour : 07/12/2023

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