Migrations : la réaction d’un prêtre après la prise de position des évêques

Ce mercredi 8 novembre avait lieu, à Lourdes, le discours de clôture de la Conférence des évêques de France (CEF). Mgr de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la CEF, a appelé avec ses confrères à « résister à la tentation de réduire les questions migratoires à des enjeux sécuritaires ». BV a demandé à l’abbé Matthieu Raffray son point de vue.

L'abbé Matthieu Raffray et le projet de loi sur la bioéthique - Le Salon  Beige

Inès Chopard. Que pensez-vous de l’appel à « un sursaut d’humanité face au fait des migrations » lancé par Mgr de Moulins-Beaufort ?

Abbé Matthieu Raffray. Je pense qu’il faut un peu d'humanité dans un monde qui est de plus en plus inhumain, mais il faut aussi un sursaut d'humanité envers ceux qui subissent l’immigration, qui en sont victimes. Tout le monde mérite l'humanité, y compris ceux qui souffrent des faits migratoires. Pour moi, cette déclaration, les médias l'ont un peu transformée, mais elle mériterait d'être un peu complétée.

C'est quand même une affirmation du droit des peuples à maîtriser leur politique migratoire. Ensuite, la première humanité envers les migrants, c’est de leur permettre de ne pas migrer. Dire qu'on va les accueillir, si c'est pour qu'ils logent sous des ponts ou dans des camps de réfugiés, ce n'est pas de l'humanité. Mais ce discours de la CEF peut être ambiguë dans un contexte où l'immigration n'est pas bienvenue pour beaucoup de Français.

I. C. Le communiqué met en garde contre « l'illusion d'empêcher toute migration ». Les évêques sont-ils dans leur rôle de pasteurs ?

Abbé M. R. Je ne pense pas que ce soit illusoire de pouvoir arrêter l’immigration. Des pays comme les États-Unis, l'Australie, la Chine, le Japon limitent l'immigration parce qu'ils en ont la volonté politique. Ce qui est illusoire, c'est d'accueillir sans limite tous les gens qui sont plus pauvres que les Français. Dans la doctrine traditionnelle du catéchisme de l'Église catholique, dans la doctrine de l'Église actuelle, il est prévu que les États aient la responsabilité politique de maîtriser l'immigration en fonction du bien commun.

Lorsque le Christ dit « J’étais un immigré, vous m'avez accueilli, j'étais un étranger, vous m'avez accueilli », il s'adresse à une personne qui, par charité, accueille un étranger. Dans l’Évangile, il n'y a jamais de déclaration politique. Jamais le Christ ne dit qu'un État ou un peuple doit laisser un autre peuple entrer sur son territoire.

C'est trop simple de dire que la France doit accueillir des immigrés. C’est qui, la France ? C'est l'argent des autres, donc, en fait, ce n'est pas chrétien de dire que les autres doivent accueillir des immigrés. Il n'y a pas d'injonction politique à ce qu'un état accueille une population exogène au détriment de sa culture, de sa civilisation et de la sécurité de ses membres.

Le Christ appelle à la charité à titre individuel. Il y a une injonction personnelle à chaque chrétien de soigner l'étranger, le pauvre ou la personne qui est en situation de nécessité devant elle. Pour moi, la première des charités, aujourd'hui, c'est de secourir les Français qui sont dans la rue, les familles pauvres qui sont obligées d'aller au Secours populaire parce qu'ils n'ont plus à manger, les retraités qui coupent le chauffage l'hiver comme ma mère, par exemple. Que ce soient les impôts qui payent, c'est-à-dire que ce soit les plus pauvres, les classes moyennes, ceux qui travaillent, qui paient pour les autres, c'est une injonction de communiste qui n'a rien à voir avec le christianisme.

I. C. Nos évêques ignorent-ils le lien entre immigration et insécurité en France et ailleurs ?

Abbé M. R. Je lis dans le texte qu'ils ont écrit : « Il est du devoir des responsables politiques de protéger, d'assurer la sécurité de chaque citoyen. » On ne peut pas dire qu'ils n’en ont pas conscience. À mon avis, il ne faut pas réduire la question migratoire à un problème sécuritaire. Réaffirmons le droit de chacun à rester chez soi. La sécurité dans les pays pauvres, les situations de guerre, les situations d'exploitation économique, d’instabilité politique… Je ne pense pas que la solution soit de construire des murs énormes et de couler les bateaux qui viennent chez nous. La seule solution, c'est de régler les problèmes à la source. Dans ce sens-là, je comprends l'affirmation de Mgr de Moulins-Beaufort.

La première chose à faire, c'est que nous soyons fiers de notre culture, qu'on la défende et qu'on ait quelque chose à proposer à des gens qui viennent de l'extérieur.

Inès Chopard

Date de dernière mise à jour : 12/11/2023

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