Créer un site internet

En catimini, l’UE en passe d’imposer la reconnaissance de la GPA

« Si vous êtes parent dans un pays, vous êtes parent dans tous les pays. » En 2020, dans son discours sur l’état de l’Union, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, promettait une reconnaissance de toutes les « parentalités » par les États membres de l’Union européenne. Trois ans plus tard, l’UE est en passe, avec son projet de certificat européen de filiation - ou certificat européen de parentalité -, de concrétiser cette promesse. Adopté le 7 novembre dernier par la commission des affaires juridiques, le texte doit être débattu le 11 décembre prochain (selon l’agenda prévisionnel) en séance plénière par le Parlement européen. Prétextant la liberté de circulation et les droits fondamentaux des enfants, ce projet, s’il est adopté, « obligerait tous les États membres de l’UE – même ceux qui condamnent la gestation pour autrui (GPA) – à reconnaitre de facto les GPA pratiquées à l’étranger », alerte le Syndicat de la famille (ex-Manif pour tous). Le mouvement appelait à une mobilisation transpartisane, ce 16 novembre à 19 heures, à Paris VIII, pour dire « non » à la GPA.

Photos Femmes Enceintes, 80 000+ photos de haute qualité gratuites

Vers la légalisation de la GPA

« S’il est adopté, ce texte aura de lourdes conséquences. Il entraînera de facto la reconnaissance de la PMA sans père, de la PMA pour personnes trans ou de la GPA, même pour des pays qui condamnent ces pratiques », alerte Ludovine de La Rochère, présidente du Syndicat de la famille, auprès de BV. Contrainte par la jurisprudence de la CEDH, la France doit, pour le moment, dans le cas d’un couple homosexuel commanditaire d’une GPA, reconnaître la filiation du père biologique de l’enfant. Son conjoint, après avoir fait signer un acte d’abandon à la mère porteuse, peut alors adopter l’enfant. Avec l’adoption du certificat européen de parentalité, la filiation serait automatiquement reconnue « quel que soit le mode de conception ou de naissance de l’enfant, quel que soit le type de famille de l’enfant et quelles que soient la nationalité des enfants et la nationalité de leurs parents ». En revanche, resteraient exclus de ce certificat les enfants dont la filiation a été enregistrée dans un pays tiers.

Par ailleurs, ce texte bouleverserait les droits reconnus. À ce jour, un enfant né par GPA dans un État membre de l’UE ne peut bénéficier de l’ensemble des droits attachés à sa filiation. Seuls la liberté de circulation et le droit de séjour lui sont accordés. Avec ce texte, la reconnaissance de la filiation pour les enfants nés de GPA sera pleine et entière. Autrement dit, ils bénéficieront de la reconnaissance de leur droit de succession, des obligations de garde ou d’alimentation. Pour Ludovine de La Rochère, ce texte, en plus d'inciter à la GPA, « est une manière de faire avancer sa légalisation en Europe. Quand tous les parents commanditaires de GPA auront leur acte de naissance, ils diront que l’interdiction de la GPA par la France est hypocrite et alors nous seront obligés de la légaliser. » Pire encore, dénonce-t-elle, contrairement à ce qu’affirment les auteurs du projet, le certificat européen de filiation consisterait à « créer un état civil européen qui surplomberait les états civils nationaux, ce qui est contraire aux traités de l’UE ».

Opposition des LR et du RN

En mars dernier, le Sénat français s’est opposé à ce projet. Selon les sénateurs, le texte européen ne serait « pas conforme à l’article 5 du traité sur l’Union européenne » qui déclare que toutes compétences non attribuées à l’Union (à savoir la filiation ou la définition de la famille) appartient aux États membres. Par ailleurs, les parlementaires s’inquiètent du manque de clarté du texte. « L’imprécision de la rédaction nuit à sa lisibilité, écrivent les élus. Est-elle relative à la filiation, ce concept juridique clair établissant le lien entre un enfant et ses parents, comme l’affirme la version français du texte, ou, conformément à sa version anglaise, est-elle relative à la parentalité (parenthood), une situation de fait qui peut exprimer une simple volonté [...] sans pour autant que cette volonté s’accompagne d’une lien de parenté et d’effets juridiques. »

François-Xavier Bellamy, député européen Les Républicains, a d’ores et déjà fait savoir que son groupe s’opposerait à ce texte. Le Rassemblement national, par la voix de l'eurodéputé Jean-Paul Garraud, a annoncé qu'il voterait contre. S’il est adopté par le Parlement européen, le texte devra ensuite être voté à l’unanimité par le Conseil. La Hongrie, la Pologne ou encore l’Italie devraient alors le refuser. Sans unanimité, la Commission proposera une coopération renforcée aux pays désireux d’avancer sur ce sujet. « Je crains que la France n’accepte cette coopération et adopte ce texte, nous confie Ludovine de La Rochère. Emmanuel Macron, s’il se dit opposé à la GPA, a poussé ce projet lorsqu’il siégeait à la présidence de l’Union européenne et n’a jamais empêché la France de travailler sur le sujet de la GPA à la conférence de la Haye. »

Clémence de Longraye

Date de dernière mise à jour : 17/11/2023

  • 7 votes. Moyenne 4.9 sur 5.