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La réindustrialisation et la baisse du chômage : DEUX mensonges incontestables du président Macron

Depuis le début de son second mandat, Emmanuel Macron se targue d’avoir fait baisser le chômage et d’avoir lancé une dynamique de réindustrialisation. Mais est-ce vrai ?

Il faut reconnaître une chose à l’univers macronien : une capacité à inonder les médias et les réseaux sociaux comme personne ne l’avait fait auparavant. À peine la tonitruante annonce des 100 jours clamée aux oreilles du peuple français, une véritable orgie de communications fut déversée par tous les canaux possibles, saturant le paysage médiatique. À tel point que sur les réseaux sociaux, la présence d’« animateurs » payés pour chanter les louanges du président-adolescent ne laisse plus guère de doutes.

MA CRON ET L ENTREPRISE

Toute logorrhée est suspecte. « Grand disou, petit fezou », nous dit la sagesse populaire du Morbihan. Les réalisations concrètes sont inversement proportionnelles aux mises en scène tapageuses. L’on connaissait les « villages Potemkine », décors de carton-pâte montés à la va-vite par le ministre russe du même nom au XVIIIe siècle, afin de cacher la misère et satisfaire l’ego de la capricieuse impératrice Catherine II. La macronie érige depuis quelques semaines de véritables villages Potemkine numériques, notamment dans le domaine de l’économie.

Cette logorrhée peut faire illusion, car elle emploie des verbes d’action et prétend montrer des résultats factuels, chiffres à l’appui. Il est d’autant plus important de révéler la misère de ce somptueux décor.

« Nous avons fait baisser le chômage à des niveaux historiques » : FAUX

Toute statistique économique doit faire l’objet de deux vérifications à qui sait la lire.

Première vérification : lorsqu’une tendance à la baisse ou à la hausse est mise en exergue par un gouvernement pour montrer l’efficacité de son action, examiner la même statistique dans des pays comparables, par exemple au niveau européen ou au niveau mondial. Si la tendance est générale, cela signifie que l’action du dit gouvernement n’est nullement la cause de l’amélioration, mais qu’elle résulte mécaniquement d’un mouvement de fond de l’économie.

Pour connaître l’efficacité réelle de l’action, il ne faut pas examiner les chiffres bruts, mais corrigés de cette tendance générale : si le chômage recule partout, la baisse est-elle plus grande ou moins grande que cette moyenne en France ? Si elle est moindre, cela signifie que le gouvernement a mal joué alors qu’il avait de bonnes cartes : il ne peut se vanter de son action.

Deuxième vérification : que compte-t-on ? Un chiffre ne reflète pas nécessairement la situation réelle des hommes sur le terrain, par exemple une situation de précarité dont les effets concrets se ressentent de façon indiscutable pour chacun. Un indicateur statistique peut être interprété, tandis que le fait d’arriver ou non à boucler ses fins de mois ne souffre pas de discussion. Il est essentiel de savoir quelle population réelle se cache sous les chiffres.

Le taux de chômage reflue spectaculairement dans toute l’UE et dans la zone euro de façon corrélée depuis 2013. En novembre 2022, il s’établissait en moyenne à 6 % dans toute l’UE.

Quid de la France au même moment (novembre 2022) ? Le taux de chômage était de 7 %, un résultat qui n’a quasiment pas varié dans les toutes dernières semaines, bruyamment claironné par le gouvernement.

En novembre 2022, ce taux nous plaçait en 21e position parmi les 27 pays de l’UE. Seules la Lettonie, la Suède, Chypre, l’Italie, la Grèce et l’Espagne faisaient moins bien que nous. Il n’y a nullement matière à se vanter : la baisse brute du chômage observée en France résulte mécaniquement d’une vague observée dans toute l’Europe, non de l’action du gouvernement. L’action de ce dernier doit être jugée inefficace, car nous restons à la traîne de nos partenaires européens au sein de ce mouvement d’ensemble.

Non seulement le chiffre global du chômage devrait inciter le gouvernement à faire preuve d’humilité, mais plus grave l’analyse structurelle du chiffre brut se révèle alarmante.

Que mesure-t-on ? En première approche, l’on dénombre les chômeurs de catégorie A, c’est-à-dire ceux dénués de toute activité, même très réduite. Ils représentent 2,8 millions de personnes au premier trimestre 2023. Les inscrits à Pôle emploi de catégorie B et C, à activité professionnelle réduite, font monter ce chiffre à 5,1 millions. Les catégories B et C représentent 45 % du chiffre global des inscrits à Pôle emploi, mais ne sont pas comptabilisés comme chômeurs. Leur situation réelle est cependant d’être en état grave de précarité, c’est-à-dire concrètement de ne pas pouvoir vivre décemment à partir de leurs seuls revenus. N’est-ce pas là la réalité humaine qu’il est important de mesurer ?

Enfin, selon les termes propres de l’INSEE, il faut tenir compte du « halo autour du chômage », c’est-à-dire de personnes non comptabilisées comme chômeurs au sens du BIT, mais néanmoins en recherche d’emploi. Le « halo » représente près de 2 millions de personnes et croît en tendance régulièrement depuis 2008.

Ajoutons à ces remarques sur les catégories dénombrées que le chômage des jeunes a crû de 1,2 point en un an, pour atteindre le taux de 17,4 % en 2023, 3 % au-dessus de la moyenne européenne. Quant au chômage de longue durée, il représente 580 000 personnes fin 2022, soit 26 % des personnes sans emploi. La décroissance généralisée du chômage en Europe a entraîné une baisse de cette catégorie de chômeurs depuis 2016, mais baisse moindre que celle de l’ensemble des personnes sans emploi : le chômage longue durée semble s’enkyster, d’autant que les rapports d’associations telles qu’ATD quart-monde montrent qu’il est sous-estimé.

En conclusion, la baisse du chômage bruyamment trompettée par le gouvernement n’est due en rien à son action, celle-ci étant générale à toute l’Europe. Elle doit au contraire être jugée négativement, puisque nous faisons moins bien que la plupart des pays membres dans un contexte pourtant favorable. Ces mauvais résultats sont aussi bien quantitatifs que structurels, puisque la précarité de l’activité partielle, le chômage des jeunes et le chômage de longue durée demeurent trois noyaux durs que même un environnement favorable ne parvient pas à résorber.

« Nous réindustrialisons la France » : FAUX

Les récentes annonces d’Emmanuel Macron faisaient état de 300 nouvelles usines créées depuis 2017 et de 1,7 million d’emplois créés, dont 90 000 dans l’industrie. Appuyant ce discours, l’ouverture récente de deux usines de batteries à Dunkerque devant créer dans l’immédiat près de 5000 emplois fut présentée comme l’emblème d’une politique « volontariste » de réindustrialisation.

Le Président annonça également quatre mesures destinées à favoriser le secteur industriel : de nouveaux financements pour la formation professionnelle, la création de nouvelles friches destinées à accroître le périmètre foncier, accélérer les autorisations d’implantation de 18 mois à 9 mois, création de nouveaux crédits d’impôt pour les activités industrielles « vertes ».

Emmanuel Macron ajouta que nous serions en train de recouvrer notre « souveraineté industrielle » grâce à l’ensemble de ses actions depuis 2017.

L’avalanche de chiffres et d’annonces en quelques jours a pu faire impression. Mais l’économie et particulièrement l’économie industrielle nécessite de garder la tête froide et d’anticiper sur le long terme.

En premier lieu, tout chiffre de création de valeur, d’emploi ou d’entreprises doit être accompagné du chiffre des destructions dans la même période : c’est au solde net que l’on juge une politique.

Le 10 mai 2023, soit dans le même temps que les annonces tapageuses du gouvernement, la Banque de France publiait les chiffres officiels des défaillances d’entreprise. Celles-ci ont bondi de près de 50 % en un an ! Cette situation critique s’explique par deux principaux facteurs : l’arrivée à terme des prêts garantis par l’état, émis au plus fort de la crise du Covid, et le renchérissement prohibitif de l’énergie du fait de l’accord ARENH. Le gouvernement s’est bien gardé de communiquer sur ce chiffre de défaillances.

Par ailleurs, si nous étions devenus aussi performants sur le plan industriel, nous devrions en voir l’effet sur un certain nombre d’indicateurs macro-économiques. Or nous apprenions en début d’année 2023 que la balance du commerce extérieur de la France accusait un déficit de 164 milliards d’euros, record historique absolu et augmentation de 100 % sur une année !

Dans la même veine, les projets d’investissement d’entreprises étrangères en France sont peu créatrices d’emplois : en moyenne 33 en France contre 118 en Allemagne et 379 en Espagne. Non seulement les annonces du gouvernement omettent les défaillances d’entreprises, mais la structure de celles qui se créent est passée sous silence. S’agit-il de petits projets contribuant peu à la productivité ? Au regard des résultats obtenus, il ne doit y avoir que peu de « blockbusters » industriels parmi ces annonces.

Ceci est corroboré par le fait que parmi les créations d’emplois, le gouvernement ne se cache pas d’un chiffre de 90 000 dans l’industrie depuis 2017, sur 1,7 million au total : à peine plus de 5 % du total ! Le point précédent ayant montré que ces créations résultent mécaniquement d’une bonne conjoncture valable pour toute l’Europe, la performance concernant l’emploi industriel se révèle très faible.

Pour ultime confirmation, la part de l’industrie dans le PIB en France continue de se tasser, y compris de 2017 à maintenant :

L’on n’observe qu’un léger redressement dans les derniers mois. Il est tout à fait erroné de prétendre que la réindustrialisation de la France est à nouveau en route.

Pour finir, les annonces gouvernementales prétendent que nous serions en train de « retrouver notre souveraineté industrielle ».

Outre les exemples connus du grand public de liquidation de certains de nos fleurons (vente d’Alstom énergie et rachat ultérieur des turbines Arabelle à prix très défavorable, désinvestissement du parc nucléaire français rattrapé en catastrophe très récemment, perte de Technip, absorption de Lafarge par Holcim, menaces sur la propriété industrielle de Dassault à travers le projet européen de nouveau chasseur de combat,…), Emmanuel Macron semble avoir une étrange conception de la souveraineté. Il est savoureux de voir l’ensemble de son camp politique s’en réclamer maintenant, alors que le terme même était synonyme de bannissement.

Emmanuel Macron mélange allégrement souveraineté véritable et incitation à ce que des entreprises étrangères viennent s’installer en France. Mettre en exergue l’implantation d’une société taïwanaise et d’une société chinoise comme cela a été le cas à Dunkerque pour les usines de batterie, est une curieuse conception de la reconquête industrielle.

La souveraineté véritable consisterait à ce que ce soient des entreprises françaises qui maîtrisent la conception industrielle dans des domaines clés. La leçon du Covid n’a pas porté : contrairement aux violons de la mondialisation heureuse, « make or buy » ne sont pas équivalents. Maîtriser une chaîne industrielle complète de la conception à la réalisation et l’acheter en tant que service n’est équivalent que pour un financier. Dès qu’une crise et une raréfaction surviennent, la maîtrise de l’avantage concurrentiel sur un secteur clé devient prépondérante : nous l’avons vu sur les vaccins contre le Covid, sur la crise des composants électroniques, sur la production énergétique, sur l’ensemble de l’industrie du digital, qu’il s’agisse de système d’exploitation, de moteur de recherche et d’application de l’IA.

Qu’est-ce que la véritable souveraineté industrielle ?

Redresser la souveraineté industrielle requiert trois qualités :

Le courage de protéger nos savoirs et savoir-faire. Le cas Alstom énergie en est la négation, puisque Emmanuel Macron, alors à la tête de Bercy, avait cédé au chantage américain de la prise d’otage d’un haut cadre d’Alstom en échange de la vente du secteur convoité. Le courage lui a également manqué pour s’opposer à la Commission européenne, lorsque celle-ci a mis son véto à la fusion Alstom — Siemens sur leurs branches ferroviaires, les plaçant à la merci du mastodonte chinois CRRC. Enfin, les conditions de mise en œuvre du SCAF, le nouvel avion de combat européen impliquant Dassault et Airbus, font courir de graves menaces de fuite de savoir-faire au bénéfice de l’Allemagne. Le PDG de Dassault, Eric Trappier, a lutté vent debout pour éviter ce partenariat de dupes. Un accord a été annoncé fin 2022, sous la pression gouvernementale : le PDG de Dassault Aviation se retrouve seul pour défendre un avantage compétitif français de plusieurs décennies. Je ne mentionne même pas le sabordage d’EDF sous l’ARENH, Emmanuel Macron s’étant entièrement défaussé de ses responsabilités en les faisant porter à Jean-Bernard Lévy.

La vision long-terme des secteurs stratégiques sur lesquels nous devons conserver nos savoirs et savoir-faire. Dans ce domaine, la véritable expertise industrielle est nécessaire, pas les effets de mode ou de communication. Les dernières annonces du président font craindre que ce ne soit à nouveau ces dernières qui l’emportent : l’accent est mis sur les « énergies vertes », disposant de crédits d’impôt, nullement les autres industries.

Le démantèlement du parc nucléaire français, rattrapé seulement maintenant après un virage à 180°, l’absence de volonté pour faire inscrire ce même nucléaire comme énergie décarbonée auprès de l’UE et la décision catastrophique de l’arrêt total des moteurs thermiques en 2035 — combattue bec et ongles par ce grand capitaine d’industrie qu’est Carlos Tavares — montrent suffisamment que c’est l’écologie non sérieuse, celle des effets de mode, qui porte la réindustrialisation selon Emmanuel Macron.

Aucune ambition véritable sur le digital (moteurs de recherche, big data, IA…), sur les composants électroniques, sur l’aéronautique & spatial, sur la plasturgie, sur les nanotechnologies et l’ordinateur quantique. Nous devons établir une liste des secteurs pour lesquels la conception et les procédés de fabrication sont français, ceux qui permettent de conserver le pouvoir de décision et d’approvisionnement en cas de pénurie. Nous en sommes très loin.

La connaissance précise des métiers et des hommes : Loïk Le Floch-Prigent l’avait souligné, Emmanuel Macron est « hors-sol » concernant l’industrie. Son action dénote une méconnaissance profonde de celle-ci. Le plan trompetté il y a quelques semaines, tout comme le plan Castex de septembre 2021, se présente comme un « plan d’investissement » ou « plan de réindustrialisation ». Il n’est en fait qu’un plan d’injection d’argent, pour des activités dont on ne sait pas pourquoi elles sont stratégiques ni comment il faudrait en modifier le mode de fonctionnement pour qu’elles se redressent.

La véritable économie, celle que l’on apprend sur le terrain, montre que micro-économie et macro-économie ne peuvent être séparées. Pour comprendre et anticiper une situation économique, il faut rentrer dans le fonctionnement organique des entreprises : un même résultat obtenu de manière saine, c’est-à-dire avec de petites équipes autonomes et motivées, ou avec une oligarchie d’état pressurant les opérationnels, aura peut-être le même rendement à court terme. Mais au bout de quelques semaines et de quelques mois, de graves dysfonctionnements apparaissent dans l’organisation viciée.

On ne peut compter sur un gouvernement de post-adolescents superficiels pour se passionner pour les métiers et les hommes, et savoir quels sont ceux qui sont à encourager. Ce sera là la tâche d’un futur gouvernement véritablement souverainiste.

Max Rameaux

 

Date de dernière mise à jour : 30/06/2023

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