Offensive du Hamas : Netanyahou savait-il ?

Le cerveau humain est-il de nos jours si rabougri qu’il est incapable d’appréhender simultanément plusieurs catastrophes ?

Hamas, Jihad islamique palestinien et Hezbollah : qui sont les groupes  armés ennemis d'Israël ? - Geo.fr

Arméniens et Ukrainiens au second plan

Ignoré, le sort des Karennis pilonnés par l’aviation de la junte birmane dans la jungle birmane (1) où ils ont dû se réfugier (alors qu’on nous bassinait en 2017 avec les commandos roginhas — musulmans, eux, sinon islamistes — persécutés par la même armée birmane. Passées par profit et pertes les minuscules Canaries à nouveau envahies en quelques jours par plus de 5 000 migrants africains, dont les prédécesseurs furent en août dernier, par ignorance de ce biotope, à l’origine de graves incendies. Occultée, l’expulsion de 140 000 habitants du Haut-Karabakh, dont 18 000 étaient toujours portés disparus le 6 octobre, sur l’ordre du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, que, le 22 dernier, alors même que le nettoyage ethnique avait commencé, congratulait Ursula von der Layen en visite à Bakou où, en sa qualité de présidente de l’Union européenne, elle négociait de nouveaux contrats pétroliers et gaziers. Et même presque éclipsée l’Ukraine, dont le président Volodymyr Zelensky s’est précipité le mercredi à Bruxelles pour rappeler Etats-Uniens et Européens à leur devoir et obtenir sans doute des sanctions contre la Slovaquie où le nouveau Premier ministre Robert Fico, qui veut s’allier aux socialistes du Hlas-SD et au parti d’extrême droite SNS, a promis de « ne plus envoyer une seule balle de munition » à l’Ukraine et de faire au contraire « de [s]on mieux pour organiser des pourparlers de paix dès que possible » entre Kiev et Moscou.

Union sacrée en France… 

« La guerre d’extermination du Hamas contre les Juifs » a commencé, éditorialisait le même 11 octobre Etienne Gernelle, directeur du Point, et l’union sacrée du PC au RN prévaut au point que le ministre de l’Intérieur envisage la dissolution du collectif « Palestine vaincra « ainsi que du « Nouveau Parti anticapitaliste » qui a clamé son soutien au peuple palestinien, et même de « La France Insoumise » qui condamne les « crimes de guerre » du Hamas mais se refuse à le qualifier de terroriste. Catégorie dans laquelle Londres rangea l’Irgoun sioniste après l’assassinat de lord Moyne, son représentant à Caire (dont les tueurs furent plus tard inhumés au « Monument des héros » à Jérusalem), et l’explosion à Jérusalem en 1946 de l’hôtel King David (91 morts et 46 blessés) qui abritait le secrétariat du gouvernement britannique de Palestine ou l’éradication du village palestinien de Deir Yassin — 254 victimes selon la presse de l’époque.

… Mais polémiques en Israël

Après la sanglante opération « Déluge d’Al-Aqsa » lancée le 7 octobre par le Hamas et qui a coûté la vie à au moins1200 Israéliens dont des vieillards, des femmes et des enfants, la plus grande hécatombe de juifs « depuis la Shoah », l’union sacrée règne-t-elle aussi dans l’État hébreu ? Mercredi, Benyamin Netanyahou et son rival travailliste le général Benny Gantz ont annoncé la création d’un gouvernement d’urgence pour la durée du conflit. Toutefois, la presse israélienne, qui reste sceptique sur la cohésion et l’efficacité de ce « cabinet de guerre », n’en est pas moins déchaînée contre le Premier ministre, coupable d’être resté sourd aux menaces, empêtré qu’il était dans ses intrigues pour obtenir le vote de la nouvelle loi sur la justice, destinée avant tout à le soustraire personnellement à de nombreuses procédures judiciaires.

« Espérant préserver son fragile cessez-le-feu avec les dirigeants du Hamas » dont il avait financièrement et politiquement favorisé l’essor contre le Fatah car, comme le rapporte le quotidien Haaretz, « la plupart du temps, la politique israélienne consistait à considérer l’Autorité Palestinienne comme un fardeau et le Hamas comme un atout » ainsi que l’avait avoué en 2015 le député d’extrême-droite Bezalel Smotrich aujourd’hui ministre des Finances, « Bibi » avait ainsi, selon le Times of Israël, multiplié les gracieusetés à l’endroit mouvement islamiste. En portant par exemple en janvier dernier à 20 000, contre 10 000 auparavant, le nombre des habitants de la bande de Gaza autorisés à venir travailler dans la « terre de lait et de miel », ce qui a donc permis à moult militants du Hamas de repérer les lieux et de préparer leur sanglante attaque. Pis, affirme le Times of Israel, le Premier ministre, qui avait déclaré en 2019 à la Knesseth : « Quiconque veut empêcher l’établissement d’un État palestinien doit renforcer le soutien au Hamas et lui transférer de l’argent. C’est une partie de notre stratégie »,  autorise donc « des valises contenant des millions en argent qatari à entrer à Gaza par ses points de passage  ». Ce qui a grandement facilité l’achat de tout un arsenal de drones, d’ULM, d’armes et de munitions.

Une attitude irresponsable, à méditer par les dirigeants européens en général et français en particulier qui s’imaginent acheter la paix raciale et/ou religieuse en arrosant des communautés qui les haïssent et rêvent de nous massacrer.

Les avertissements du Caire négligés : un « scandale majeur »

Mais là n’est pas le seul tort de Netanyahou. Ce qui enféroce ses compatriotes pleurant leurs morts, leurs blessés et leurs disparus et enrage les 300 000 rappelés en urgence, c’est le manque de préparation du pays.

En ce cinquantenaire de la guerre du Kippour qui, en octobre 1973, fit vaciller pour la première fois l’État hébreu, le gouvernement aurait dû s’attendre à une nouvelle tempête — et donc, soit dit en passant, ne pas tolérer cette véritable provocation que fut la tenue d’une rave party, avec tous les excès que cela implique, à moins de six kilomètres du chaudron islamique de Gaza (2,6 millions d’habitants entassés et végétant désormais sans eau, gaz ni électricité sur la superficie du Grand Marseille),. Or, accuse dans L’Express l’historien Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, le Premier ministre a « mis à mal, sciemment, les capacités de défense du pays, poursuivi la politique inepte de privilégier le Hamas au détriment de l’Autorité palestinienne, afin d’enterrer toute possibilité de création d’un État palestinien à côté d’Israël » et offert un « avantage militaire » en or aux islamistes avec le « dégarnissement des troupes en bordure de la bande de Gaza en faveur de la “Judée-Samarie” [Cisjordanie] ». En outre, dans le même temps où « il formait la coalition la plus extrémiste et incompétente de l’histoire du pays, Netanyahou a laissé la bride sur le cou aux fous de Dieu [juifs], qui multiplient les coups de force dans les “Territoires” et les provocations sur le mont du Temple » à l’encontre les musulmans — et molestent sur la Via Dolorosa menant à l’église du Saint-Sépulcre les pèlerins chrétiens ou les bombardent de crachats, voire d’excréments.

Et voici le plus grave, poursuit Barnavi : « Aux dernières nouvelles, le chef des renseignements généraux égyptien, Abbas Kamel, aurait informé Netanyahou dix jours avant le déclenchement de l’attaque du Hamas que l’organisation islamiste préparait quelque chose de grande ampleur. Le Premier ministre aurait fait la sourde oreille. Il dément. Mais si cela s’avérait, ce serait un scandale majeur. »

Et une responsabilité écrasante. « Si cela s’avérait », mais espérons que tel ne sera pas le cas, soit le Premier ministre savait, il a laissé faire et devient donc un traître à sa nation. Soit il savait et n’a rien fait à seule fin de disposer d’un prétexte crédible aux yeux du monde pour écraser le peuple palestinien ou le contraindre en tout cas à un nouvel exode massif. Au risque de déstabiliser derechef tous les pays de la région… et au-delà.

« Le sionisme allumera sans doute en Palestine une hideuse guerre de religion : encore un de ces progrès à rebours que les traités auront valu au genre humain. […] Avec la guerre religieuse, le sionisme apporte la guerre sociale. […] Admirable moyen de réunir, en Asie Mineure et même plus loin, tout l’islam contre l’Occident. » Formulée dès le 20 décembre 1920 dans L’Action française, cette prédiction du grand Jacques Bainville s’est déjà réalisée en partie à trois reprises. La prochaine fois sera-t-elle décisive ?

Camille Galic

Date de dernière mise à jour : 13/10/2023

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