Les lycées professionnels en grève

Aujourd’hui, les enseignants et enseignantes de lycée professionnel sont en grève à l’appel de l’intersyndicale de la voie professionnelle. « On demande le retrait du projet de réaménagement du cursus sous statut scolaire des baccalauréats professionnels », explique Catherine Prinz de la CGT Éduc’Action. Un projet que vous dévoilait le café pédagogique le 23 novembre dernier et qui se résume à plus d’entreprise et moins d’ambition pour les élèves de la voie professionnelle.

« Le choc des savoirs, en lycée professionnel, ça s’illustre par moins d’école » déclare Sigrid Gérardin, secrétaire générale du Snuep-FSU. Et elle n’a pas tort. Le projet de réforme du lycée professionnel, c’est bien six semaines de cours en moins sur les trois années du lycée professionnel. La réforme Blanquer, c’était déjà 30% des enseignements en moins. Alors que les résultats du PISA montrent le décrochage des élèves de milieu populaire par rapport à leurs camarades de milieux plus favorisés, cette réforme ne devrait pas aller dans le sens d’un inversement dans la tendance (les élèves de la voie professionnelle sont majoritairement issus des classes populaires).

Grève et manifestations contre le projet de réforme du lycée professionnel  - Challenges

« En terminale, on perd 70 heures dans les disciplines professionnelles alors même que ce sont les gros coefficients du baccalauréat », déplore la responsable syndicale. « Ce gouvernement organise la baisse du niveau de réussite de nos élèves de la voie professionnelle ».

Un recyclage des échecs antérieurs

Le projet de décret présenté aux organisations syndicales prévoit aussi le passage des épreuves du baccalauréat au mois de mai au lieu de juin. Un choix qui n’est pas sans rappeler les épreuves anticipées des baccalauréats généraux et technologiques sur lesquels le ministre de l’Éducation nationale a reculé cette année. Mais ce choix, c’est aussi « l’explosion des groupes classes avec le fameux parcours distinct » alerte Sigrid Gérardin. « En juin, on aura des élèves qui seront en entreprise quand d’autres seront en cours. En maintenant trois épreuves fin juin, on est dans l’inégalité d’accès et de réussite au diplôme puisque les élèves qui seront en stage ne bénéficieront pas des révisions avec leurs professeurs ». « Ce projet de réforme n’est donc ni dans l’intérêt des élèves ni dans celui des personnels. Ce qui motive Carole Grandjean et Gabriel Attal, c’est d’offrir de la manœuvre gratuite aux entreprises », ajoute-t-elle. « On nous a même expliqué que les élèves pourront aller en stage dans des secteurs d’activité qui ne sont pas ceux pour lesquels ils sont formés ». Un élève formé à la vente pourra ainsi faire un stage en Hôtellerie-Restauration ou dans le secteur du nettoyage. Carole Grandjean présente d’ailleurs ces six semaines de stage comme un premier emploi, « un emploi sans salaire pour des élèves. C’est gagnant-gagnant pour les entreprises qui bénéficieront de six semaines de main-d’œuvre gratuite. Et c’est l’argent public qui la financera ».

« C’est un projet profondément libéral », nous dit Catherine Prinz de la CGT Éduc’Action. « Il répond à une commande politique et idéologique du président dans la mesure où il avait annoncé lui-même vouloir augmenter les périodes de stages en entreprises de 50%. Et c’est une réforme idéologique, car ce gouvernement estime que l’entreprise forme mieux que l’école. Il offre donc au patronat une main-d’œuvre corvéable et gratuite ». « Cette réforme signe la fin de l’ambition de l’émancipation par les savoirs, l’ambition de la culture pour tous et toutes. C’est à rebours du discours du ministre sur le choc des savoirs. Pour nos élèves, c’est plus d’entreprise et moins d’enseignement », conclut-elle.

Largement portée par les organisations syndicales, cette première journée de grève devrait être marquée par une forte mobilisation.

Lilia Ben Hamouda

 

Date de dernière mise à jour : 12/12/2023

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