L'omelette aux tomates de Pagnol

Le sommet du Garlaban.

Littérature

Avec l’amitié de Lili, une nouvelle vie commença pour moi. Après le café au lait matinal, quand je sortais à l’aube avec les chasseurs, nous le trouvions assis par terre, sous le figuier, déjà très occupé à la préparation de ses pièges. […]

Tout en rabattant le gibier vers nos chasseurs, nous placions nos engins sur le sol, au bord des barres, ou sur une branche fourchue, au cœur d’un térébinthe que Lili appelait « pétélin ».

Cet arbre qui pousse si bien dans les poèmes bucoliques, fait des grappes de graines rouges et bleues, dont tous les oiseaux sont friands : un piège dans un térébinthe, c’est la capture assurée d’un cul-rousset, d’un merle, d’un pinson vert, d’une grive…

[…] Les carniers étaient toujours bien garnis, mais nous dévorions jusqu’aux miettes. Pendant que nous mangions l’omelette aux tomates – délicieuse quand elle est froide – les côtelettes grésillaient sur une braise de romarin. […]

Quand il ne restait plus rien d’autre que les os des côtelettes et la croûte du fromage, les chasseurs, étendus sur un lit de baouco, faisaient la sieste, un mouchoir sur le visage, à cause des petites mouches, tandis que nous remontions vers les barres, pour la première visite de la « tendue ». […]

Après la première tournée, il fallait attendre jusqu’à cinq ou six heures, pour laisser nos pièges « travailler ».

Alors pendant l’après-midi, nous allions explorer des crevasses, cueillir le pèbre d’aï des Escaoupré, ou la lavande du Taoumé. […]

Lili savait tout ; le temps qu’il ferait, les sources cachées, les ravins où l’on trouve des champignons, des salades sauvages, des pins- amandiers, des prunelles, des arbousiers ; il connaissait, au fond d’un hallier, quelques pieds de vignes qui avaient échappé au phylloxéra, et qui mûrissaient dans la solitude en grappes aigrelettes, mais délicieuses. Avec un roseau, il faisait une flûte à trois trous. Il prenait une branche bien sèche de clématite, il en coupait un morceau entre les nœuds, et grâce aux mille canaux invisibles qui suivaient le fil du bois, on pouvait la fumer comme un cigare. […]

Marcel Pagnol : Le Château de ma mère.

 Encore une escapade dans les collines ensoleillées des alentours d’Aubagne, collines de Marcel Pagnol, (ils les avaient achetées, et y a tourné  lesfilms suivants : Regain, Manon des sources) pour retrouver le soleil, le temps d’une lecture, durant cette journée si grise…

 

Date de dernière mise à jour : 10/03/2024

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