Gros malaise dans la justice :

La lettre des procureurs généraux et présidents de cour d’appel à Eric Dupond-Moretti

Le garde des Sceaux rencontrait ce vendredi les magistrats signataires d’une tribune inédite publiée mardi, et décrivant leur mal-être grandissant. Entre-temps, les procureurs généraux et les premiers présidents de cour d’appel ont eux aussi écrit au ministre.

ERIC DUPOND MORETTI

Les chefs de juridiction du siège et de toutes les cours d’appel de France ont pour habitude de rester discrets. Mais dans la foulée de la tribune, publiée mardi par le quotidien Le Monde, et signée désormais par plus de 5500 magistrats et greffiers (plus du tiers de la profession), ils ont pris la plume. Dans une lettre adressée au garde des Sceaux, et que nous avons pu consulter, les membres de la conférence nationale des procureurs généraux et de la conférence nationale des premiers présidents de Cour d’appel enfoncent le clou, décrivant une « désespérance » dans la profession et appelant à une « pause » dans les réformes.

Pointant une « forme de lassitude, de désespérance sur le sens de leurs missions, chahutées par des réformes incessantes, rendues inefficaces par des systèmes informatiques obsolètes, souvent paralysants, et par une logique de gestion de la pénurie devenue insupportable », Frédéric Fevre (CNPG) et Jacques Boulard (CNPP), présidents de chacune des conférences, assurent que l « institution n’est plus en capacité de supporter l’insécurité juridique et les réorganisations permanentes qu’elle subit depuis plusieurs années ».

Les hauts-magistrats dénoncent notamment des réformes qui, au-delà du fond, « changent les modes opératoires, les systèmes d’information, les pratiques professionnelles, les charges de travail, toutes choses qui sont totalement occultées dans la conception même de ces réformes ».

« Des pauses dans les réformes »

Fustigeant des effectifs insuffisants malgré « des efforts budgétaires récents », ils demandent « des pauses dans les réformes, tant en matière pénale que civile » mais aussi « d’abandonner les logiques bureaucratiques » et « de cesser de demander des remontées d’informations avec des délais de prévenance beaucoup trop courts ». « Il convient encore de soutenir les chefs de cour et de juridiction et de leur fournir de véritables leviers managériaux pour sortir de cette crise ».

« Au regard de la gravité de la situation », le courrier, daté du 25 novembre, est également adressé aux « formations du Conseil supérieur de la magistrature.

Une trentaine des auteurs de la tribune -magistrats du siège et du parquet, juges d’application des peines, juges d’instruction… - ont été reçus ce vendredi place Vendôme pendant « un peu plus de trois heures », a déclaré le ministre Eric Dupond-Moretti à la presse, à l’issue de cette réunion. Il a dit avoir entendu « un témoignage émouvant, très fort, notamment sur leurs conditions de travail, sur la charge de travail ». Cette tribune, originellement signée par 3000 magistrats, compte désormais 5500 signatures de magistrats et greffiers.

Sources :  Le Parisien et Jean-Michel Décugis - 26 novembre 2021

 

  • 2 votes. Moyenne 4.5 sur 5.