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Des messagers royaux à la carte postale La Poste, au service des puissants comme des humbles

La Poste comme nous la connaissons est jeune, à peine plus que centenaire. En effet, avant que nos aïeux songent à échanger des lettres d'amour, des lettres de rupture, des factures et des cartes postales, il a fallu qu'ils apprennent d'abord à lire et écrire. C'est seulement au XIXe siècle que l'alphabétisation a gagné les masses et c'est alors que les postes ont connu un premier et spectaculaire essor.

Et Louis XI créa la poste - Valeurs actuelles

Notons tout de même que dans l'empire romain, la proportion élevée de personnes alphabétisées a conduit Auguste à instaurer un service postal quelque peu analogue au nôtre, le cursus publicus. Cela n'a pas duré. Au Moyen Âge et au-delà, il n'y eut plus que les puissants, les moines et les marchands pour échanger des plis avec leurs homologues éloignés. Ils recouraient à des réseaux de messagerie privés et onéreux.

En France, Louis XI, soucieux de consolider l'État, a mis en place un très efficace réseau de relais de poste réservé aux courriers du roi. Mais c'est seulement un siècle plus tard que ses successeurs ont permis à ces relais de servir aussi les riches particuliers contre une coquette rémunération.

Le dispositif s'étant révélé rentable, il s'est structuré sous le règne de Louis XIV avec la création de la Ferme des postes, jusqu'à conduire à nos chers facteurs si joliment mis en scène par Jacques Tati (Jour de Fête, 1949).

Avec l'irruption de l'internet et de la messagerie numérique, voilà nos postiers appelés à se renouveler. L'aventure continue...

La Poste a son musée

La Poste française s'est dotée en 1946 d'un musée d'Histoire. C'était au temps où elle s'appelait encore les PTT (Postes Télégraphes et Téléphones) et avait un ministre dédié. Sis dans un bel immeuble contemporain, 34 boulevard de Vaugirard, face à la gare de Paris-Montparnasse, ce musée d'entreprise raconte l'histoire du courrier en France depuis les origines, avec pour commencer un facsimilé de la Table de Peutinger, curieuse carte longiligne réalisée vers 1265 par des moines de Colmar et qui est censée représenter les messageries de l'époque romaine. Le musée raconte à la suite, sur trois étages, l'évolution de la poste depuis le Moyen Âge, de l'apparition des premiers relais de poste à l'arrivée de la messagerie numérique. Postillons, maîtres de poste, facteurs, agents de tri et demoiselles du téléphone sont ici mis à l'honneur et l'on peut découvrir tout à la fois leur grandeur et leur misère.
Aujourd'hui, le Groupe La Poste est une société anonyme dont le capital se partage entre la Caisse des Dépôts et Consignations (66%) et l'État et dont les activités se partagent entre le courrier (La Poste), la messagerie et les colis (Chronopost), la banque et l'assurance (la Banque Postale). Le téléphone et les télécommunications relèvent pour leur part du groupe Orange.

À pied, à cheval...

Pas de poste sans volonté d'État ! Seul un pouvoir fort et une administration bien rodée peuvent financer un système fort coûteux puisqu'il faut assurer l'établissement de voies de communication et de relais, veiller à l'ensemble de l'organisation et répondre de la sécurité des messages et messagers.

C'est chose faite en Égypte au Nouvel Empire (XVIe-XIIe siècles avant J.-C.) si l'on en croit ces quelques mots désespérés : « Ô si tu pouvais venir en hâte vers la bien-aimée / Comme le courrier royal / Dont la monture attend le messager avec impatience ! »

Mais c'est bien aux fonctionnaires de Cyrus le Grand que l'on attribue officiellement la mise en place du premier système de poste. Toujours réservé aux courriers royaux, il est d'une telle efficacité que l'historien Hérodote ne peut qu'applaudir : « Rien de si efficace parmi les mortels que ces courriers ! » (Histoires, Ve siècle av. J.-C.). À l'autre extrémité de l'Eurasie, le Premier Empereur chinois met aussi en place au IIIe siècle av. J.-C. un important réseau de messagerie à son usage exclusif. Et ne parlons pas du réseau de messagers à cheval mis en place par Gengis Khan, beaucoup plus tard, au XIIIe siècle de notre ère, à travers son immense empire, le plus vaste qui fut jamais !

Les cités grecques, pour leur part, n'ont pas fait comme tout le monde en ne développant pas de poste à relais de chevaux. Compte tenu des contraintes naturelles, elles préféraient faire appel au service de navires ou encore des hémérodromoi, ces coursiers dont le niveau sportif n'avait rien à envier à nos champions ! Ceux-ci ne font aujourd'hui que suivre les traces d'un messager légendaire qui aurait couru d'une traite les 42 kilomètres séparant Marathon d'Athènes pour annoncer la victoire sur les Perses. « Nenikamen ! » (« Nous avons gagné ! »).

« Plus vite que les grues » (Livre d'Esther)

De jour, de nuit, par tous les temps... Il en fallait du courage aux coursiers perses pour aller d'un point à l'autre de cet empire immense ! Pour connaître en détail ce mode de transport, il suffit de parcourir le témoignage de l'historien grec Xénophon :
« Nous connaissons encore une autre invention de Cyrus, appropriée à la grandeur de son empire et grâce à laquelle il était promptement informé de ce qui se passait même dans les contrées les plus lointaines. S'étant rendu compte de la distance qu'un cheval monté peut parcourir en un jour sans être excédé, il fit construire des écuries écartées de ce même intervalle, y mit des chevaux et des gens chargés de les soigner et plaça dans chaque relais un homme capable de recevoir et de transmettre les lettres qui arrivaient, de recueillir les hommes et les chevaux fatigués et d'en envoyer d'autres tout frais. On dit que parfois même ces transports ne s'arrêtent point la nuit et qu'à un messager de jour succède un messager de nuit. On prétend qu'avec cette manière de voyager, on va plus vite que les vols des oiseaux. Si cela est exagéré, il est, du moins, indéniable que de toutes les manières de voyager sur terre, celle-là est la plus rapide. Or il est bon d'apprendre les nouvelles le plus vite possible, pour prendre les mesures les plus rapides possible » (Cyropédie, Ve siècle avant J.-C.).

« Il disposa sur les routes stratégiques, à de courtes distances, d'abord des jeunes gens, puis des voitures, afin d'avoir des nouvelles plus promptes des provinces... » (Suétone, Vie des douze Césars, IIe siècle). Cet homme prévoyant, c'est Auguste, initiateur du cursus publicus, un vaste réseau de poste développé au Ier siècle.

Dans cet empire s'étendant alors du nord de l'Angleterre à l'Euphrate, cavaliers et conducteurs de chariot disposaient de relais tous les 12 kilomètres mais aussi d'auberges, à 50 kilomètres. D'abord réservée aux services de l'État, cette entreprise très élaborée finit par s'ouvrir aux administrations, aux militaires et finalement aux marchandises au point de devenir la première entreprise « mondiale » de logistique.

Isabelle Grégor

Date de dernière mise à jour : 08/12/2023

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