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« Mon mariage était une relation d’emprise, et il m’a fallu des années pour le comprendre » - Témoignage

●●● TÉMOIGNAGE FEMME MARIÉE

De ses 16 à 26 ans, Isabelle a été sous l’emprise d’un homme de 15 ans son aîné. Vingt-cinq ans plus tard, elle s’interroge : pourquoi tout le monde semblait trouver normal qu’un trentenaire soit en couple avec une enfant ?

 J’ai grandi à la campagne où tout le monde se connaissait. Mon contexte familial étant violent, je fuyais souvent la maison et d’ailleurs on m’y retenait peu. Adolescente, je passais du temps au café du village. On y jouait au flipper, toutes les générations s’y croisaient. Je pouvais discuter avec des amis, c’était toujours mieux que chez moi.

Une Femme Battue En Vêtements Noirs Sur Un Fond Gris Isolé. Violences  Contre Les Femmes | Photo Premium

C’est là que j’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari. J’avais 15 ans, il en avait 30 et j’ai compris tout de suite que je lui plaisais. Ce n’était absolument pas réciproque : il était trop âgé et physiquement, il ne m’attirait pas du tout. Pourtant c’est avec lui, après des années de manipulation et d’emprise que je me suis mariée – cette union étrange n’a questionné personne.

À 15 ans, il a commencé à me tourner autour

Au village, cet homme était populaire – notamment auprès de personnes plus jeunes que lui. Il était très cultivé et avait toujours son auditoire. Nos premières discussions étaient basées sur des sujets intellectuels, et c’était la première fois que quelqu’un m’écoutait : je n’étais plus cette fille sans intérêt, un peu dingue. Tout d’un coup, je semblais exister.

Durant cette période, je ne me rendais absolument pas compte qu’il me manipulait. Entre mes 15 et 17 ans, j’ai commencé à avoir quelques amoureux et à chaque fois, il s’arrangeait pour m’éloigner d’eux. Au début, en les critiquant, en me disant que je méritais mieux, voire en m’interdisant de les croiser. J’étais persuadée qu’il faisait ça pour mon bien. Pire, je pensais décider moi-même ce que lui me soufflait. En réalité, son investissement dans ma vie amoureuse était le premier signe de l’emprise qu’il était en train de construire.

En très peu de temps, il est devenu omniprésent dans ma vie. Il se disait mon ami et faisait des choses pour moi que mes parents n’avaient jamais faites. Je n’étais jamais allée dans un restaurant avant qu’il m’y emmène, il me conduisait en voiture et me sortait, m’offrait des cadeaux… Petit à petit, il s’est rendu indispensable. Moi, je le considérais comme une sorte de grand frère, sans équivoque.

Je pensais ne pas avoir le choix

Quand j’ai eu tout juste 17 ans, ma mère et mon beau-père ont déménagé et m’ont laissée dans la région, avec mon frère tout juste majeur. Ma tante avait au fond de son jardin une petite caravane, et il a été décidé que je vivrais là-bas. Je sortais d’un BEP et j’avais trouvé un mi-temps qui me permettait de survivre, tout en suivant mes études en Bac pro par correspondance. Cet abandon a été très difficile, je me suis retrouvée fragilisée et dans une grande solitude.

Mon futur mari, qui était encore mon « ami » a saisi cette opportunité. Il avait un grand appartement où il a d’abord proposé à mon frère d’emménager – il admettra plus tard que c’était pour m’attirer chez lui. Après quelques mois, il m’a proposé de venir rejoindre mon frère, en me promettant ma propre chambre.

Très peu de temps après être arrivée chez lui, il a été instauré que j’étais sa compagne. J’avais 17 ans, il en avait 32. Je percevais nos rapports sexuels comme « obligatoires ». Je n’y prenais pas de plaisir particulier, ne ressentais toujours aucune attirance pour lui. Pour moi, il ressemblait plus à un père qu’à un amant. Mais il passait son temps à dire qu’il m’avait sauvée de la misère, que j’avais besoin de lui, et j’y croyais. À ce moment-là, je pensais ne pas avoir le choix.

« De toute façon, il m’aurait »

Une fois ensemble, il n’y avait plus de doute sur le fait qu’il préparait son coup depuis notre rencontre. Il me disait qu’il savait que « de toute façon, il m’aurait ». Dès ce moment, je n’ai plus vu personne de mon âge à part son cercle de proches et mon frère. Nous nous sommes mariés quand j’ai eu 19 ans, après deux ans de relation durant lesquels j’avais perdu toute liberté. Je ne sortais pas sans lui, ne faisais rien sans lui, j’étais devenue sa chose et je ne m’en rendais pas compte.

Je sentais bien que ma jeunesse le valorisait, que lors de nos soirées à l’extérieur j’étais son trophée. Ses amis l’enviaient et trouvaient épatant que ce type au physique pas terrible sorte avec une gamine jeune et jolie grâce à « son intelligence et son aura ». Personne ne s’intéressait au fait que je me sente encore une enfant, à ma vulnérabilité. J’étais une poupée qu’on expose quand ça arrange.

Il a continué à m’isoler. À 20 ans, j’étais en CDI et il a entrepris de me faire quitter ce travail. Il avait peur, sans doute qu’avoir une vie à l’extérieur de notre couple me permette de lui échapper. À force de me répéter que je devais faire mieux de ma vie, qu’être derrière un bureau n’était pas valorisant, il m’a convaincue de démissionner pour que nous montions une entreprise. Nous étions ensemble en permanence et il pouvait ainsi avoir toujours un œil sur moi.

Je suis partie sans me retourner

À 25 ans, j’ai pris conscience que notre mariage n’avait rien d’une relation amoureuse. Il décidait qui nous devions voir et qui je devais juger intéressant ou pas. Moi, j’étais avide de rencontres, curieuse des autres. Il a verbalisé ses interdictions, j’ai commencé à me rebeller. Durant un an, je me suis détachée de lui sans lui montrer, j’avais peur qu’il réussisse à m’amadouer une nouvelle fois et à réaffirmer son emprise sur moi. Un jour, il est rentré du marché, je lui ai dit que je le quittais. J’ai fait mes valises dans l’instant et je suis partie sans jamais revenir. J’avais 26 ans, il en avait 41 et j’ai fui.

Heureusement, à l’époque, sans téléphone portable ni internet, il était bien plus facile de disparaître. Je n’ai commencé les procédures de divorce que des années plus tard, par peur de devoir être confrontée de nouveau à lui. C’est très long de guérir d’une emprise et j’en étais consciente.

Je me suis reconnue dans le témoignage de Judith Godrèche

Il y a quelques semaines, le témoignage de Judith Godrèche m’a bouleversée. C’était la première fois que j’entendais un récit similaire au mien, la première fois qu’on mettait des mots sur ma propre histoire. Comme pour cette actrice, tout le monde voyait mon mariage comme une histoire romantique, un chevalier plus âgé qui allait sauver une petite fille en détresse. Personne ne m’a jamais dit « Mais qu’est-ce que tu fais avec lui ? », ne m’a dit « Tu as la vie devant toi, tu es trop jeune », personne ne s’est inquiété des années de jeunesse dont il m’a privée.

Pourtant, il m’est évident que si je voyais un homme de 30 ans tourner autour d’une jeune fille de 15 ans, je trouverais ça horrible, parce que ça l’est. Comment la société peut-elle romantiser une relation amoureuse entre une enfant et un adulte ? Comment ne voit-elle pas que ces relations ne peuvent en aucun cas être équilibrées ?

Il m’a fallu des années pour comprendre que cet homme était un prédateur qui avait utilisé ma fragilité et mon immaturité pour me manipuler et que, sans le savoir, j’étais une proie idéale. Je sais que je suis loin d’être la seule à avoir vécu cette situation et je pense à ces jeunes filles à qui on a tout volé sans que personne n’y trouve rien à redire.

Ce témoignage a été recueilli et édité par Aïda Djoupa

 

 

 

●●● TÉMOIGNAGE MARIAGE ET DIVORCE

« Je me suis mariée à 23 ans et j’ai divorcé à 27, j’en ai tiré quatre grandes leçons » ...

Mathilde s’est mariée à 23 ans avec son partenaire de longue date. Aujourd’hui, elle est divorcée et raconte les enseignements de cette séparation.Mathilde s’est mariée à 23 ans avec son partenaire de longue date. Aujourd’hui, elle est divorcée et raconte les enseignements de cette séparation.

En 2019, j’avais 23 ans et j’étais en couple depuis 4 ans, avec une personne avec qui je m’imaginais passer le reste de ma vie. Un soir, sur un coin de table, en mangeant une pizza, nous avons décidé de nous marier.

Le mariage, c’était un rêve de petite fille. En grandissant bien sûr, mes idées sur cette union avaient évolué mais pour moi, c’était toujours un lien sacré. J’ai toujours vu mes parents sont ensemble depuis plus de 35 ans et pour moi, le divorce n’a jamais été une option. Jusqu’à ce que mon mari me quitte.

Divorcer : plus de 84 732 illustrations et dessins de stock libres de  droits proposés sous licence | Shutterstock

Après le mariage, la charge mentale et un burn-out

Quand notre vie de jeune mariés a commencé, j’étais fraîchement diplômée et très fière d’avoir passé ce cap : mariage, étude, tout était sur les rails. Sans en avoir conscience, nous nous sommes réparti des rôles très genrés. Il s’occupait de la conduite, moi je m’occupais de la cuisine, du ménage, de l’administratif. Une charge mentale très forte m’est vite tombée dessus.

Environ deux ans plus tard, j’ai fait un burn-out. C’est là que notre relation a commencé à devenir difficile. J’ai arrêté de travailler et il m’a promis de me soutenir, mais je me suis rendu compte qu’il n’avait pas les épaules pour m’accompagner dans cette épreuve. S’en est suivie une vraie descente aux enfers.

Un divorce auquel je ne m’attendais pas

Je suis rentrée dans une forme de mutisme. Je n’arrivais pas à lui dire comment je me sentais et il ne savait pas comment m’aider. Nous n’avions aucune idée de comment gérer cette situation, mais je ne me suis jamais interrogée sur la pérennité de notre relation. Pour moi, c’était pour la vie.

J’ai commencé à m’inquiéter quelques mois plus tard, le soir de son anniversaire. Il a reçu un message de son ex, qui espérait reprendre contact avec lui. Je ne m’attendais pas à voir ses yeux briller autant, et j’ai senti que quelque chose n’allait pas.

Le mois suivant, il m’a annoncé qu’il voulait divorcer, comme un cheveu sur la soupe. Une semaine plus tôt, nous visitions des appartements et des maisons où déménager. Du jour au lendemain, je suis rentrée vivre chez mes parents. J’ai laissé mon appartement, mon chien, mes habitudes… Et surtout, mon mari.

Leçon n °1 : croire l’autre quand il dit qu’il veut partir

Persuadée que le divorce n’irait pas au bout, je n’ai pas cru son désir de séparation et j’ai eu des comportements très problématiques. Je lui écrivais des messages longs comme des romans, j’allais sonner à la porte de notre ancien appartement, je l’appelais sans relâche…

Je ne suis vraiment pas fière d’avoir refusé de croire qu’il ne m’aimait plus. J’avais besoin de réponses qu’il ne voulait pas me donner, et j’ai fini par m’apprendre qu’il m’avait trompée. Mais quelles que soient mes raisons, je n’aurais pas dû agir de la sorte et je le regrette. Dans ces premiers moments vulnérables, savoir demander de l’aide à ses proches est capital.

Leçon n °2 : le temps aide à s’en remettre

Pendant trois ou quatre mois, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, incapable de me projeter dans l’avenir. Mes amis ont été présents autant qu’ils ont pu, mais la tristesse ne se quantifie pas. Après plusieurs mois, mon chagrin a commencé à m’isoler. Mes amis avaient envie de changer de sujet, d’aller de l’avant mais moi, je restais bloquée en décembre 2022, le jour où mon mari m’avait quittée. Je me demandais pourquoi je vivais cette situation et pas les autres.

Pourtant, contre toutes mes attentes, petit à petit, j’ai commencé à aller mieux. Après cinq mois, j’ai repris goût aux sorties. J’ai renoué avec une amie d’enfance, et nous sommes parties en vacances toutes les deux. Pour moi, c’était une étape immense : partir sans mon ex et profiter de mes vacances, je ne pensais pas en être capable. Mais je l’ai fait !

Leçon n °3 : le divorce est un contrat, il faut le traiter comme tel

Quelques jours après ces vacances, je signais les papiers du divorce. J’y suis allée entourée de mes amis, qui m’ont aidée à passer un bon moment, mais dans la pratique, j’ai eu l’impression que le monde s’écroulait. Après des mois à être dévastée par la rupture et à gérer le divorce en pilote automatique, j’ai pris la mesure de ce que le divorce impliquait matériellement.

J’avais tardé à prendre un avocat et à me faire accompagner dans cette démarche. Prise dans ma tristesse, j’ai répété à mon ex-mari de tout garder. Garde la voiture, garde la moto, garde la machine à laver, le frigo, le lit… Je n’ai pas cherché à récupérer la moitié de nos biens et d’un coup, je comprenais qu’il allait falloir que je me rachète des casseroles, des couverts, et que tout cela avait un coût. Ça a été une grande claque, de comprendre que je me retrouvais avec pas grand-chose, si ce n’est la garde du chien à temps complet.

Leçon n °4 : je peux avoir une sexualité épanouissante

J’ai fini par prendre conscience qu’il fallait laisser le passé au passé et qu’il fallait se soigner à son rythme. En parallèle de cette fin de divorce houleuse, j’ai rencontré quelqu’un. Je comptais passer un peu de temps seule mais notre histoire était si belle que je ne me suis pas empêchée de la vivre. En parallèle, j’ai travaillé sur moi-même et j’ai fait un peu d’introspection.

D’abord, j’ai découvert que je pouvais avoir une vie sexuelle épanouissante. Pendant longtemps, j’ai cru que j’étais asexuelle. J’étais persuadée que j’étais vouée à « subir » ma sexualité. Que le plaisir, ce n’était pas vraiment pour moi, mais que ça ne m’empêchait pas d’aimer mon partenaire. Ce dont je ne me rendais pas compte, c’est que le sexe était un vrai problème dans notre relation, et le nœud de nos disputes. Nous n’avions pas la même libido, les mêmes envies et cela créait des tensions.

En me séparant de lui et en rencontrant mon copain actuel, j’ai découvert que je pouvais avoir une sexualité épanouie, que je pouvais me sentir libre et en parler. C’est un changement immense pour moi de découvrir que j’ai du désir et une libido !

Surtout, j’ai appris qu’il n’y avait pas de chemin parfait pour sortir de la tristesse. Un parcours post-divorce peut être long et houleux, la solitude peut être effrayante, mais j’en suis sortie grandie.

Ce témoignage a été recueilli et édité par Aïda Djoupa

La Rédaction

Date de dernière mise à jour : 12/03/2024

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