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PARIS : Pourquoi tant de « salons de massage » ou plutôt de prostitution dans le 17ème ?

Le maire du 17e et la cofondatrice de Zéromacho avancent quelques explications et dressent un bilan de leur action, un an après les révélations de l’association.

Il y a plus d’un an, en septembre 2021, une association épinglait plus de 300 salons de massage cachant des activités de prostitution dans la capitale. Avec un record dans le 17e arrondissement, qui concentre une cinquantaine de ces lieux, selon Zéromacho, qui se définit comme un « réseau international d’hommes engagés contre le système prostitueur et pour l’égalité femmes-hommes ». Pourquoi le 17e est-il si touché ? Et que font les autorités depuis que cette association a enquêté ? 20 Minutes a cherché à en savoir plus.

PROSTITUTION

Cofondatrice de Zéromacho et historienne du féminisme, Florence Montreynaud s’avoue elle-même confuse, mais avance quelques pistes : « Moi-même, je ne comprends pas cette spécificité du 17e, à part deux éléments que je connais. Au XIXe siècle, le boulevard Malesherbes hébergeait quelques grandes cocottes [mot qui désignait des prostituées de luxe] dont Valtesse de la Bigne, qu’Emile Zola a dépeinte dans Nana. Elle avait un hôtel particulier au coin de l’avenue de Villiers et de la rue de la Terrasse. La prostitution a ses quartiers, et dans le 17e, il y avait des maisons de rendez-vous. »

Contacté par nos soins, le maire du 17e, Geoffroy Boulard, semble embêté pour expliquer pourquoi son arrondissement est si touché. « C’est compliqué… Cela s’est implanté il y a une dizaine d’années rue Legendre, dans le quartier des Epinettes, avec une concentration de faux salons de massage, parce que les baux étaient peu onéreux. Mais maintenant le phénomène est moins localisé, il s’est généralisé, même dans des quartiers plus chics », explique-t-il.

Que font la mairie et la police ?

Face à cette situation, le maire de l’arrondissement n’est pas resté les bras ballants. Il affirme avoir travaillé avec le maire du 9e arrondissement dès 2011 pour essayer de labelliser les « vrais » salons. Mais l’initiative a échoué. « On a discuté avec un certain nombre de professionnels mais nous n’avons jamais abouti. Les salons de massage n’ont pas d’ordre professionnel comme les esthéticiens, les kinés, etc. » nous dit-il, ce qui selon lui rend les discussions plus compliquées.

Après les révélations de Zéromacho, le maire a par ailleurs tenté d’en savoir plus auprès de la préfecture de police, adressant une lettre en avril au préfet, et allant jusqu’à faire voter le 20 juin un vœu en conseil d’arrondissement, demandant « que le préfet de police informe le maire du 17e du nombre de salons et des procédures de fermeture en cours » et « que le préfet de police indique au maire du 17e quelles sont les mesures envisagées pour renforcer [l’] action en matière de lutte contre le proxénétisme dans les salons de massage ».

La lettre en réponse, arrivée début juillet et que 20 Minutes s’est procurée, indique que la brigade de répression du proxénétisme (BRP) a démantelé en 2021 quatre réseaux de proxénètes. Le maire nous indique par ailleurs être au courant de trois procédures de fermeture de commerces en 2022 dans le 17e pour infraction. Bien loin des 53 faux salons que recense Zéromacho dans cet arrondissement.

Depuis la loi du 13 avril 2016, les clients peuvent être sanctionnés, d’une amende de 1.500 euros. Selon des chiffres du ministère de l’Intérieur, on dénombre environ 1.300 verbalisations par an en France, et selon la Fondation Scelles, plus de 2.260 verbalisations ont concerné la capitale entre l’entrée en vigueur de la loi et la fin 2019. C’est loin de la réalité de la prostitution, puisque rien que dans les salons de massage à Paris, on dénombrerait, selon Zéromacho, environ 3.000 clients par jour.

Bientôt « des amendes dissuasives » ?

Pourquoi les choses bougent-elles si lentement ? « Ils ont d’autres priorités imposées d’en haut, c’est le terrorisme », rapporte Florence Montreynaud, dont l’association a rencontré le chef de la BRP (brigade de répression du proxénétisme), la cheffe de l’OCRTEH (office central pour la répression de la traite des êtres humains) et les deux procureures chargées de ce dossier au tribunal de Paris. « Il n’y a pas de fermeté et de répression. Je comprends qu’il y ait d’autres choses prioritaires mais c’est prioritaire de protéger les femmes de ces salons », se plaint Geoffroy Boulard. Contactée par 20 Minutes, la préfecture de police de Paris n’a pas souhaité répondre à nos questions.

En attendant, Zéromacho compte sur la pédagogie auprès des citoyens et citoyennes. « On va prendre l’opinion à témoin : est-ce qu’on peut tolérer à l’occasion des JO que Paris soit la capitale des bordels asiatiques ? », annonce Florence Montreynaud. Qui attend aussi beaucoup de la nouvelle procureure de Paris, Laure Beccuau, et de sa vice-procureure, Julie Colin, laquelle a annoncé en début d’année vouloir « infliger de fortes amendes dissuasives aux gérants de salon proxénètes ».

Aude Lorriaux

Date de dernière mise à jour : 19/11/2022

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