PATRIMOINE : Stéphane Bern remet l’église au milieu du village

Dans le film Le Petit Baigneur réalisé par Robert Dhéry, il y a une scène burlesque où le curé de la paroisse, joué par Jacques Legras, monte en chaire prononcer un sermon qui prend la forme d’un appel aux dons afin de restaurer l’église, surnommée avec ironie « Notre-Dame-des-courants-d’air », dont le clocher ne tient plus que par l’opération du Saint-Esprit. Louis de Funès, à la générosité plutôt intéressée, fait un chèque qu’il remet ostensiblement à l’abbé.

Romane, gothique ou néogothique, il n’y a pas un village de France sans son église. Malheureusement, beaucoup d’entre elles pourraient être surnommées Notre-Dame-des-courants-d’air ! Depuis la Révolution et la séparation des Églises et de l’État (loi 1905), la République a confisqué, pour ne pas dire spolié, l’Église de France de ses églises mais aussi, on l’oublie souvent, des biens lucratifs qui allaient avec : immeubles de rapport, terrains… En s’appropriant tous ces biens, la République a acquis un énorme patrimoine qu’il faut pouvoir entretenir. Si l’État a conservé la propriété des cathédrales, les milliers d’églises construites avant 1905 sont à la charge des communes, dont les ressources ont considérablement diminué depuis la diminution drastique des dotations et la suppression de la taxe d’habitation.

STÉPHANE BERN

Sur 36.500 communes françaises, une sur deux compte moins de 500 habitants. On comprend aisément que l’entretien d’une église obère le budget de ces villages, d’autant que les paroissiens pratiquants sont clairsemés et qu’il n’y a pas de généreux Louis de Funès dans toutes les communes de France. À qui la faute ? Cela fait cinquante ans que nous entendons un langage lénifiant sur l’église de la pauvreté, de la part de prêtres des années 70 se comportant comme des assistantes sociales, si ce n’est pas des syndicalistes ou militants tiers-mondistes. À une époque où l’Église n’était pas encore indigente, elle n’aimait pas les riches et ne voyait pas d’un bon œil les dons du châtelain local. Ces prêtres louaient l’extrême sobriété, jusqu’à retirer tout ce qu’ils jugeaient clinquant, et n’hésitaient pas à soutenir le candidat socialiste inventeur de l’impôt sur la fortune en 1981 ! L’Église de France a toujours décrié la fortune, mais elle est bien contente de trouver de généreux mécènes pour participer aux Chantiers du Cardinal. Déchristianisation, discrétion de l’Église, culpabilisation, anticléricalisme du pouvoir, asphyxie financière des mairies… Voilà les causes profondes d’un appauvrissement de l’Église qui a pour résultat le délabrement de notre patrimoine religieux.

Honneur à lui, Stéphane Bern souhaite la création d’un secrétaire d’État au Patrimoine pour sauver notamment les églises. C’est une excellente initiative. Le gouvernement trouve toujours des solutions pour renflouer ses caisses et le « quoi qu’il en coûte » est toujours possible quand le pouvoir le veut bien. Ce même pouvoir qui voulait nous sauver d’un virus à tout prix peut bien trouver une solution pour sauver nos églises. Finalement, c’est toujours le contribuable qui est ponctionné, mais pour cette fois, c’est de bonne grâce : si nos impôts peuvent contribuer à sauver notre âme… Nous saurions être plus intéressés que le regretté Louis de Funès. Et pour les agnostiques et les païens, rappelons que nos églises anciennes sont pour la plupart des écrins d’œuvres d’art. Nous pouvons tous donner, ne serait-ce que pour la beauté du geste.

Charles-Henri d'Elloy

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