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CINÉMA : Downton Abbey II, l’aristocratie anglaise à l’aube des années 1930

Le feuilleton télévisé a pris fin en 2015, à l’issue de sa sixième saison, et cependant la famille Crawley et ses domestiques n’ont pas dit leur dernier mot. Après un premier film réussi sorti au cinéma en 2019, Downton Abbey II : Une nouvelle ère débarque sur nos écrans.

Construit sur une double intrigue, le scénario nous envoie dans le sud de la France, en région toulonnaise précisément, où Lady Violet (Maggie Smith) vient d’hériter de la villa des Colombes, autrefois propriété du marquis de Montmirail avec qui elle semble avoir entretenu dans sa  une relation enflammée… Ayant décidé de léguer le domaine à la fille de la défunte Lady Sybil et de Tom Branson, Lady Violet envoie une partie des membres de la famille et des domestiques sur la Côte d’Azur. L’occasion pour eux de lever le voile sur les derniers secrets de la douairière…

DOWNTON ABBEY II

En parallèle de cette intrigue, Lord Grantham reçoit une demande d’un producteur de cinéma qui souhaite faire venir une équipe de tournage à Downton Abbey – malicieuse mise en abyme – afin de réaliser un film muet. Peu enthousiaste, celui-ci se laisse finalement convaincre par Lady Mary qui espère en obtenir suffisamment d’argent pour refaire la toiture du château, en voie de délabrement. L’arrivée de l’équipe de tournage va mettre tout Downton en effervescence, susciter tour à tour l’appréhension et l’émerveillement, et rebattre les cartes pour certains domestiques.

Subtil, le scénario de Julian Fellowes parvient une fois de plus, mais non sans difficulté, à exploiter sur deux heures seulement une bonne vingtaine de personnages. Si une poignée d’entre eux sont clairement mis à l’honneur, tel le couple Grantham, le majordome Barrow, Daisy ou Miss Patmore, on regrette la mise en retrait du couple Bates, réduit à une présence cosmétique.

Le film, néanmoins, est intéressant à plus d’un titre, déjà parce qu’il donne à voir l’engouement de l’aristocratie anglaise pour la Côte d’Azur à l’aube des années 1930 – un véritable phénomène de société – ainsi que le passage mouvementé du cinéma muet au cinéma parlant. Charlie Chaplin, à l’époque, déplorait la fin de la pantomime et le retour à la trivialité théâtrale. D’autres ont pointé la disparition de ce qui faisait la singularité du cinéma muet : son langage universel, ou « internationaliste » si l’on se place dans une optique marxiste. Ce second film de Downton Abbey met surtout l’accent sur la difficulté, pour nombre d’acteurs du muet, de faire valoir leur talent à l’oral et de maintenir leur place au sein du star-system. De quoi nous offrir quelques passages jubilatoires où Lady Mary s’essaie au doublage d’une actrice célèbre dont la diction catastrophique la condamne à la déchéance professionnelle.

Alors que le précédent film de Michael Engler sortait le grand jeu avec la venue au château de la famille royale, ce second volet cinématographique, signé Simon Curtis, fait le pari du prosaïsme. Moins baroque, moins inspirée, la mise en scène pâtit de surcroît d’un étalonnage trop saturé des couleurs. Mais la troupe d’acteurs, (presque) réunie au complet, affiche un enthousiasme communicatif. Le scénario passe à deux doigts de la catastrophe, Julian Fellowes jouant à faire peur au spectateur en agitant le spectre de la cancel culture et la déconstruction des liens de filiation. Fausse frayeur, heureusement, qui a pour finalité de confirmer la probité de Lady Violet et de celle qui lui succédera un jour, sa petite-fille Lady Mary.

Émouvante, la conclusion du film, largement introduite par le précédent opus, scelle définitivement le destin de deux personnages-clés que nous suivons depuis les débuts du feuilleton et dont l’absence, à l’avenir, risque de se faire cruellement sentir.

Pierre Marcellesi - Critique de cinéma

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