
La sécurité des nations européennes dépend d'abord d'elles-mêmes , pas de l'UE qui est un cauchemar technocratique.
Voici l’Union européenne soudainement prise de panique car Donald Trump a rappelé fermement ce que Barack Obama avait déjà demandé en 2014 : une participation accrue des pays européens à leur propre défense. En fait, depuis l’effondrement de l’URSS, les États-Unis s’interrogent sur les moyens de préserver leur imperium mondial, notamment face à la montée en puissance de la Chine. Zbigniew Brzeziński y a consacré son ouvrage Le Grand Échiquier.
Les empires sont mortels
Mais d’autres spécialistes de la géopolitique se sont interrogés sur le destin de l’hégémonie américaine. Le Britannique Paul Kennedy, notamment. Dans son ouvrage Naissance et déclin des grandes puissances (Payot, juin 2004), il soulignait que la « démesure stratégique », la trop grande extension de l’empire, combinée à la difficulté économique d’en assurer le maintien, entraînait le déclin puis la fin des grandes puissances. Dans le même esprit, le mémoire du Major M. Dallaire, pour le collège des forces canadiennes, intitulé La Destinée des empires : les facteurs du déclin de l’Empire romain appliqués à l’hégémonie américaine (2012-2013) remarquait, lui aussi, que l’extension démesurée d’une hégémonie entraînait une impossibilité pratique d’en assurer la sécurité en même temps que d’en financer le coût économique et fiscal, et concluait que les empires « présentent la curieuse et tragique constance d’être irrémédiablement mortels ».
Le pouvoir « états-unien » en tire les conséquences. Ses impératifs géostratégiques sont désormais tournés vers la Chine, Taïwan, le Japon et la Corée. Il doit donc réorienter ses ressources militaires et économiques. Le théâtre européen devient secondaire s’il parvient à des relations normales avec la Russie et cinq cents millions d’Européens sont sommés de contribuer réellement à leur sécurité sans compter sur le seul soutien américain. Notons qu’à aucun moment Donald Trump n’a annoncé le retrait rapide des 100.000 hommes stationnés en Europe, ni la sortie des États-Unis de l’OTAN.
Le flirt dangereux avec la cobelligérance
Mme von der Leyen et M. Macron répète à l’envi : « L’ère des dividendes de la paix est révolue », phrase aussi creuse que pompeuse. Ce qui est révolu, c’est l’ère du financement de la sécurité en Europe par les États-Unis. Si ces gens obsédés par les échéances électorales et leurs astuces politiciennes travaillaient un peu, ils n’auraient pas été surpris. Et la présidence de la Commission proclame la phrase cent fois répétée, tout aussi creuse : « L’Europe est prête à l’action. » De quoi s’agit-il ? D’abord d’un « soutien sans faille à l’Ukraine » qui inclut une intégration des industries de défense de l’UE et de l’Ukraine. Une fois encore, l’UE flirte de façon irresponsable avec la cobelligérance. Et d’ajouter des remarques évidentes sur la nécessité de combler les lacunes de l’Europe en matière de capacité de défense, de renforcer l’industrie européenne de la défense… Quant aux 800 milliards annoncés pour bâtir une défense européenne, ils dépendent de la faculté d’emprunt des États membres. Ainsi, tous ceux qui se complaisaient dans la dépendance stratégique américaine, à Bruxelles comme à Paris, qui avaient, avec constance, combattu et déconstruit la vision stratégique du général de Gaulle et son désir d’indépendance à l’égard des États-Unis, prétendent nous faire croire qu’ils sont devenus de puissants géostratèges d’une Europe sortie soudain de la vassalité.
Pas les moyens d'un conflit avec la Russie
Quelle est donc la réalité ? L’épine dorsale des forces armées européennes et leur vision stratégique sont américaines, tout comme leur état-major, 90 % de leurs facultés de renseignement et de télécommunication sont américaines, les forces aériennes sont dépendantes du ravitaillement en vol américain... Pour ce qui concerne la France, les réserves de munitions, en cas de conflit de haute intensité, sont de deux semaines au plus, et notre armée pourrait se déployer sur 90 kilomètres de front, alors que le front ukrainien s’étend sur plus de 1.400 Kilomètres. Malgré les accents guerriers d’Ursula et d’Emmanuel, nous n’avons évidemment pas les moyens d’un conflit avec la Russie, et ces deux-là s’apparentent plus à des comiques troupiers qu’à des chefs de guerre.
Le bouleversement géostratégique que nous vivons a le mérite de rappeler aux nations européennes que leur sécurité et leur défense dépendent d’abord et avant toute chose d’elles-mêmes. D’elles-mêmes, pas de l’UE qui n’est ni une nation ni un peuple, simplement un cauchemar d’empire technocratique et marchand. Le danger serait que des dirigeants inconséquents poursuivent la chimère d’une armée européenne qui n’aurait d’autre objectif stratégique que la préservation d’un système oligarchique mondialisé qui s’écroule. « Si vis pacem para bellum », disaient les Romains. Prendre conscience de la nécessité de s’armer est une chose. Jouer au « va-t-en-guerre » en est une autre. Ces dirigeants européens immatures semblent être plus effrayés par la perspective de la paix que par la continuation de la guerre. Qu’ils cessent donc « de faire joujou » avec la vie de milliers de jeunes gens : « Heureux les artisans de paix. »
Stéphane Buffetaut