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L’ABANDON DU CENTRE-VILLE par les pouvoirs publics

Magasins fermés, rues sales, immeubles dégradés, le centre-ville de Marseille est livré une dégradation ininterrompue. Pour quelles raisons ? Que faudrait-il faire ?

La dégradation du centre

Ce n’est pas d’aujourd’hui que le centre de la vile s’est peu à peu vidé de ses activités pour devenir un gigantesque terrain vague. C’est qu’il s’agit, en réalité, d’une double dégradation : une dégradation due au vieillissement des constructions et à des aménagements conçus sans réelle analyse des besoins du centre et sans prospective de ce qu’allait devenir cette partie de la ville et une dégradation due à la paupérisation des quartiers du centre et au fait que les milieux aisés ou riches allaient de déplacer vers les nouveaux quartiers périphériques du 8ème arrondissement. Il s’agit, ainsi, d’une dégradation liée à la mutation de l’habitat de ces quartiers du centre et, en même temps, d’une dégradation de l’architecture et de l’aménagement. Le résultat est là, sous nos yeux : le centre Bourse a gommé ce qu’il pouvait y avoir encore d’habitation dans le centre de la ville, il a détruit le centre, les immeubles ordinaires d’un centre ont été remplacés par des tours et des grands immeubles qui, de toute façon, détruisent l’urbanité d’une ville, mais plus encore quand ils sont situés au centre, le centre est devenu sale, il est mal entretenu, il est devenu laid, il n’y a aucune perspective, les gratte-ciel et les barres ont chassé l’esthétique du centre de la ville. Mais la dégradation du centre a aussi une dimension économique : les activités ont quitté le centre, les magasins et les entreprises ont fermé. La rue Saint-Ferréol est un des symboles les plus violents de cette dégradation. Même la découverte des vestiges du centre antique de Massalia n’at pas suffi à donner de l’histoire à ces quartiers de la ville.

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Le temps long de la ville : l’échec du centre est une vieille histoire

C’est dans les années soixante que G. Defferre, maire de Marseille, élabore une politique de réhabilitation d’un centre laissé à l’abandon dans l’après-guerre. C’est une période néfaste pour tous les centres des villes françaises. C’est à ce moment qu’est envisagée la destruction des Halles de Paris, remplacées par un trou qui durera des années, c’est aussi à cette époque que le la folie du maire de Lyon, L. Pradel, va détruire le centre de la ville. C’est dire que l’on ne peut comprendre l’échec contemporain du centre de Marseille qu’en se situant dans un temps long de la mémoire de la ville. Les maires d’alors (que cette expression me soit pardonnée : je ne résiste pas à son emploi) ne conçoivent leur pouvoir que dans le projet de laisser des marques dans leurs villes et l’urbanisme de cette époque est un urbanisme de dénégation du fait urbain. À cette époque, Marseille tente d’opérer une sorte de mue. D’une ville populaire, elle se croit redevenir ce qu’elle avait été à d’autres moments de son histoire : une ville riche. Mais le réel de l’habitat marseillais demeure populaire, et cela contribue à faire comprendre cette sorte de divorce entre l’espace urbain et métropolitain et les habitantes et les habitants de Marseille. Si le centre de Marseille est abandonné, c’est à la fois parce que celles et ceux qui y vivaient vont s’exiler dans d’autres quartiers et parce que les habitantes les habitants de la ville ne s’en soucient plus et le laissent se dégrader,

L’illusion d’une urbanisation des périphéries

La construction des centres centres commerciaux et le déplacement des habitations vers les périphéries ont pu donner l’illusion d’une urbanisation, mais ne nous trompons pas : il ne s’agit pas de la ville. Peut-être sous l’influence de la culture et de la société des États-Unis qui manifeste son hégémonie partout où c’est possible, peut-être par manque de réflexion sur l’urbanisation des centres, peut-être pour rompre avec ce qu’était la ville « d’avant », notamment pour rompre avec la guerre, peut-être en raison de l’hégémonie de l’usage de la voiture particulière, l’urbanisation s’est déplacée des centres vers les périphéries. Cela a donné naissance aux « grands ensembles », aux centres commerciaux d’une étendue délirante que nous connaissons aujourd’hui, comme à la Valentine, à Cap Sud ou à Euroméditerranée. Surtout, cela a favorisé l’invention de « fausses villes », de villes artificielles, qui n’ont rien de villes réelles, qui n’ont pas de centre, dans lesquelles on ne se rencontre pas et où, surtout, on ne se parle pas, dans lesquelles on est entièrement emprisonné par le commerce et la consommation. C’est de cette manière que Marseille, la véritable Marseille, celle qui était une ville, a disparu, que le fait urbain a été étouffé, que l’on ne parle plus les langages de la ville. C’est dire l’urgence d’imaginer une nouvelle politique de la ville. Sans doute, d’ailleurs, l’élection d’une nouvelle municipalité et la venue au pouvoir du « Printemps marseillais » exprimaient-elles ce désir de rupture des habitantes et des habitants avec la politique de la ville qui leur est imposée presque sans changement depuis 1947 et la venue à la municipalité de M. Carlini, puis de G. Defferre, suivi par R. Vigouroux, puis par J.-C. Gaudin.

Une véritable politique urbaine du centre

En quoi consisterait donc une véritable politique urbaine du centre de Marseille ? Je retiendrai quatre aspects  d’une telle réforme, qui revêtent une urgence particulière. D’abord, il faut en finir avec l’hégémonie de la voiture particulière. Il faut laisser les voitures hors du centre, afin que celles et ceux qui habitent Marseille, ou qui la visitent puissent retrouver les paysages et les aménagements du centre, puisent d nouveau s’y promener. Par ailleurs, il importe que soit mise en œuvre une politique efficace de la réhabilitation des immeubles et des espaces du centre. Le centre-ville est trop sale, trop mal entretenu, trop usé par des décennies d’abandon. De plus, sur ce plan, il faut en finir avec l’inégalité entre le centre et les quartiers riches de la périphérie : les différences de classe et les inégalités sont trop violentes à Marseille. D’autre part, la municipalité doit retrouver une véritable autorité dans le domaine de l’urbanisme et elle doit être en mesure d’élaborer un plan de réhabilitation du centre qui soit contraignant et qui porte aussi sur l’organisation des transports et des déplacements.. Sur ce plan, il faut repenser les relations de pouvoirs entre la municipalité et la métropole. Enfin, il faut faire revenir les habitantes et les habitants et les activités économiques, notamment les commerces, dans le centre, et mettre un terme à l’exil des marchands, des échanges et des activités de loisir dans les périphéries. Ces points ne constituent que le début de cette politique de réhabilitation du centre, mais ils sont essentiels pour que, grâce à la refonte de son centre, Marseille redevienne une ville.

Bernard LAMIZET

 

Date de dernière mise à jour : 23/12/2023

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