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NOËL EN THESSALIE - REPORTAGE

La Thessalie est cette région historique de Grèce largement agricole, située pratiquement dans la partie nord du pays, au sud de la Macédoine et à l’est de l’Épire. Sa grande plaine est entourée de reliefs, dont le mont Olympe au nord, puis notamment, le grand massif du Pinde. Actuellement, c’est-à-dire en décembre 2023 et d’après la météorologie hellénique, la région… participe de ce 14% du territoire grec déjà couvert de neige, largement au-dessus de la moyenne constatée depuis 2004.«Temps de Noël» donc, d’après ce que les Grecs expriment alors en pareilles circonstances.

Nous avons déjà évoqué ce que Noël signifiait dans le temps quant aux pratiques, aux croyances et même, quant à l’exceptionnelle gastronomie de ce grand moment. En cette Thessalie, laquelle à l’image de l’ensemble de la Grèce demeure un pays dominé jusqu’aux années 1950 par l’agropastoralisme, pendant la période de Noël et des fêtes de Saints célébrées entre décembre et janvier, les activités quotidiennes des ruraux, déjà elles s’arrêtaient.

En ces temps cependant, et parallèlement au calendrier des fêtes chrétiennes, dans toutes nos campagnes, les habitudes et les visions du monde plus anciennes y demeuraient autant préservées, cela à travers les nombreuses pratiques coutumières liées à la fertilité, à la vie, à la mort, voire… à la cosmogonie.

La… modernité actuelle, pourtant déjà vieille d’un demi-siècle en ces contrées, accompagnant le renforcement démographique écrasant des villes au détriment des villages et des hameaux même en plaine, auront accompli le reste.

Notre village Kefalóvrysso, situé près de la ville de Tríkala est passé d’environ 1200 habitants en 1960 à 700 actuellement, tandis que la population de Tríkala a pratiquement doublé, elle actuellement est de 65 000 habitants d’après le recensement de 2021.

D’ailleurs au village, ce sont les jeunes et les enfants qui manquent, mais fort heureusement, l’école primaire ainsi que la maternelle s’y maintiennent, également grâce aux enfants des hameaux voisins, et de ce fait, les cours de catéchisme sont toujours dispensés par le pope de la paroisse.

Samedi 16 décembre, les enfants du village ont été à l’honneur lors de la cérémonie des… lampions lumineux de l’arbre de Noël et de sa crèche. Ceux de l’école catéchétique de la Paroisse, de même que les autres enfants ont présenté un sketch théâtral avant la remise de livres en cadeaux. Une fête, coorganisée par l’Église et par l’Association culturelle du village, sous la responsabilité de Evangelía Grigoríou, autant conseillère municipale à Tríkala élue lors du scrutin d’octobre dernier, elle est aussi ma nièce.

La presse locale… naturellement liée aux grandes comme aux petites affaires «de proximité», a mentionné comme ils se doit, la présence du représentant sortant du village auprès du conseil municipal de la commune Tríkala, Vassílis Papasímos, ainsi que son remplaçant élu également en octobre, Yórgos Tsitsoúlas, de même que celle de la Vice-Présidente de la Région Thessalie issue de la nouvelle majorité qui prend ses fonctions au 2 janvier prochain, notre bien lointaine cousine, Chrýssa Didi.

Tous ces «enfants» alors définitivement grandis de notre village, ont souhaité le joyeux Noël, tout comme ils ont promis ce que les élus croient encore promettre… à leurs sujets, en pareilles occasions. Cependant, la joie fut authentique ; d’abord celle des enfants qui vont grandir à leur tour… sous peu de scrutin en scrutin.

Il faut dire, qu’en Grèce rurale en tout cas, il y a en ce moment de nombreuses crèches installées partout, la mieux insolite dans notre région est sans doute celle aménagée dans une cavité des rochers, sous les Monastères des Météores. Les habitants en sont fiers et les visiteurs sinon, ils apprécient.

Car de nombreux visiteurs, venus de pratiquement toute la Grèce et essentiellement d’Athènes et de Thessalonique, affluent en ce moment à Tríkala. Le jargon taxinomique approprié des médias et des voyagistes, inclue désormais notre contrée dans la liste dite des «destinations d’hiver». Ce qu’en Grèce est essentiellement synonyme de Noël, car pour les prochaines vacances déjà scolaires après celles des fêtes de fin d’année, il faut attendre la Pâque orthodoxe.

À Tríkala, l’affluence de fin d’année se trouve depuis 2012, liée au Parc de loisirs dont le thème, si l’on veut… est vaguement celui de Noël, appelé «le Moulin des Elfes», initié à l’initiative de la Municipalité de la ville. Son succès n’est pas démenti depuis sa création et par certains week-ends de décembre, plus de cinquante mille visiteurs… remplissent alors les rues de la ville, une masse humaine représentant presque la population de Trík

C’est bien connu. La Grèce contemporaine n’échappe pas à la règle de la méta-modernité, en tout cas occidentale. Pour les habitants des deux grandes centres urbains, d’Athènes et de Thessalonique, représentant tout de même pratiquement la moitié de la population du pays, toute fête, toute célébration calendaire, nationale ou religieuse, donne lieu à des «escapades»… plus ou moins réussies. Même si, depuis le contexte dit de la crise grecque, la démographie… «pratiquante» appartenant à l’ancienne classe moyenne grecque, aura perdu près de la moitié de son ardeur.

C’est ainsi que lorsque je fais visiter notre belle région aux heureux participants de la Grèce Autrement durant pratiquement toute l’année mais en dehors de la période de Noël, hormis aux Météores, on rencontre en réalité bien peu de monde, y compris en août.

Et pour ce qui est de la vision… marketing chaque année réitérée par les initiateurs de ce Parc à thème, elle revient inlassablement depuis 2011 à son mythe fondateur.

«Pour la douzième année, la municipalité de Tríkala et E-Trikala S.A. organisent le plus grand parc de Noël gratuit, en Grèce. Le Moulin des Elfes, dès le premier instant et pendant 11 ans, a donné des millions de sourires, avec une entrée et des activités gratuites, et d’innombrables surprises».

«L’histoire a commencé comme ça… C’était le 9 décembre 2011, lorsque le Père Noël transformait le Moulin de Matsópoulos, à Tríkala, en le plus grand parc à thème de Noël de Grèce, le Moulin des Elfes. Les anciennes cheminées ont pris le devant et depuis, elles fonctionnent sans arrêt, dans le seul but de faire plaisir aux petits et aux grands».

«Le Père Noël, naturellement accompagné de ses précieux assistants les lutins et les rennes de conte de fées, a commencé son voyage pour rendre visite à tous les enfants du monde entier jusqu’à Noël et se retrouver au Moulin des Elfes».

«Il était une fois, sur une petite planète d’une vaste galaxie, vivait un petit prince parmi les roses et les volcans. À l’approche de Noël, le petit Prince se met à rêver d’un autre monde. Il a donc décidé de voyager sur d’autres planètes et de rechercher la vérité. Il a visité cinq planètes qui n’avaient chacune qu’un seul habitant, un Roi majestueux, une Rose belle et musquée, un allumeur fidèle et un Astronome élégant. La dernière planète qu’il a visitée était la Terre et il s’est retrouvé au Moulin des Elfes où il a rencontré le Père Noël et ses innombrables assistants».

Noël donc… en recomposition à la Disney. Les commerçants de la ville apprécient, surtout les gérants des tavernes et des bars, sauf que cette saison hivernale est bien courte et que l’on ne construit guère une vraie économie locale, rien que par le truchement du Moulin des Elfes.

Notons ici que l’ancien moulin, était dans le temps de la Deuxième Révolution industrielle un vrai moulin, fonctionnant tantôt grâce à l’énergie cinétique d’un cours d’eau, tantôt par de moteurs alimentés à la vapeur, puis à l’électricité.

Construit en 1884 à l’extrémité ouest de la ville de Tríkala, près de la gare ferroviaire, pratiquement sur la petite rivière d’Agiamonítis par les frères Agathoclès, lesquels entretenaient un grand complexe industriel à Stylída en Grèce Centrale et de ce fait, ils étendirent leurs activités à Tríkala après la libération de la Thessalie, par son rattachement à l’État Grec en 1881.

Vers 1900 l’entreprise qui figurait déjà parmi les plus grandes de ce type en Grèce et peut-être dans les Balkans, fut agrandie et modernisée. On y produisait entre autres d’ailleurs des pâtes, tandis que son complexe immobilier de 3500 mètres carrés alors dominait les lieux, placé au centre d’une superficie de 90 acres, avec son moulin au centre, entouré comme il était de bâtiments auxiliaires, créant une enceinte fermée à l’intérieur.

En 1895, le jeune Ioánnis Matsópoulos arrive depuis son village du Pinde pour habiter chez son oncle Dimitri, actionnaire de l’entreprise des frères Agathoclès. Pendant ses années de scolarité à Tríkala, Ioánnis travaille comme «ouvrier de la farine» dans l’industrie du moulin et en même temps au fil des années, son oncle devient l’actionnaire principal de l’entreprise.

Ioánnis Matsópoulos deviendra plus tard à son tour, le propriétaire du Moulin, lequel portera désormais son nom. Homme sitôt important au sein de l’économie locale, il aura financé de nombreuses œuvres sur place, dont la construction et le fonctionnement de l’hôpital de Tríkala. Jusqu’à sa mort, au 1er mars 1978 à l’âge de 91 ans, il demeurera président du conseil d’administration de l’hôpital général d’État de la ville.

Par son testament, publiée le 2 mars 1978, Ioánnis Matsópoulos a légué tous ses biens immobiliers à la Commune de Tríkala et d’abord son Moulin, «pour qu’il devienne de nouveau le poumon de la ville, grâce à ses multiples avantages».

C’est certes chose faite dans un sens, mais sans doute que le regretté Ioánnis Matsópoulos n’aurait guère songé à la cohue en ville ni à son embouteillage alors permanent, durant un bon petit mois en hiver.

Cependant, les visiteurs découvrent ou redécouvrent la gastronomie locale, elle est, il faut rappeler toujours appréciée, pour ainsi… célébrer Noël dans les tavernes et les bars de Tríkala. Avec parfois l’accompagnement des orchestres à la musique populaire, dans le style notamment du chant Rebétiko, car peut-être et comme nous l’avons déjà montré, le grand maître du genre, Vassílis Tsitsánis, fut un enfant de la ville.

Accessoirement et comme en ce moment, la neige ne manque pas, sur le Pinde et à une heure de route depuis Tríkala, on peut atteindre les villages situés bien en hauteur, jusqu’à la petite station de ski à Pertoúli, à 1300 mètres d’altitude. Ou sinon, visiter également la ville proche de Kalambáka et ses célèbres Météores.

Finalement, de Noël du temps de jadis, que reste-t-il alors à Tríkala ? Pas grand-chose sans doute chez les visiteurs citadins d’Athènes et de Thessalonique, mais à notre village pourtant, on prépare encore le cochon, cuit à la broche durant toute la nuit de la Nativité, tandis que mes cousines qui ne figurent nullement parmi les… élus locaux et encore moins régionaux, préparent toujours les gâteaux traditionnels à la maison et cela même en chantant, comme alors du supposé très bon vieux temps.

Enfin, à la fermeture du Moulin des Elfes au 7 janvier prochain, la ville retrouvera son calme… ainsi que ses places de parking et tout le monde fera alors ses comptes, et d’abord chez les commerçants.

Temps de Noël donc, d’après ce que les Grecs disent encore en pareilles circonstances !

Panagiótis Grigoríou

 

Dans le Pinde. Région de Tríkala, décembre 2023 (presse locale)

Les enfants à l’honneur. Kefalóvrysso, 16 décembre 2023

Crèche sous les Météores. Décembre 2023 (presse locale)

Le «Moulin des Elfes». Tríkala, décembre 2023 (presse locale)

Au «Moulin des Elfes». Tríkala, décembre 2023 (presse locale)

Au «Moulin des Elfes». Tríkala, décembre 2023 (presse locale)

Au «Moulin des Elfes». Tríkala, décembre 2023 (presse locale)

 

Au «Moulin des Elfes». Tríkala, décembre 2023 (presse locale)

Le moulin de Tríkala dans le temps (presse locale)

Gastronomie de Tríkala. (presse nationale)

Gastronomie de Tríkala. (presse nationale)

La cohue en ville. Tríkala, décembre 2023 (presse locale)

Musique populaire à Tríkala (presse nationale)

Station de ski. Près de Tríkala, décembre 2023 (presse locale)

Esprit de… l’autre nativité. Tríkala, années 2020

Date de dernière mise à jour : 22/12/2023

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