SANTÉ] - Face à l’euthanasie, une leçon de vie bouleversante

L'euthanasie contredit le soin palliatif

Atteinte de la même maladie que son père, qui a fait le choix de l'euthanasie, Claire Dierckx témoigne de son goût pour la vie. Jeune Bruxelloise de 30 ans, elle souffre depuis plus de dix ans de l’ataxie spino-cérébelleuse de type 7 : une affection dégénérative génétique qui s’attaque à la vue, à l’équilibre et à la parole. En 2020, son père demande l'euthanasie. Marquée par la violence de cette décision, Claire opère une conversion pour la vie et l’amour. Depuis, elle témoigne de son espérance et de sa foi en une vie transformée malgré la souffrance, notamment à travers son ouvrage L’amour coûte que coûte (Cerf). Pour BV, elle revient sur l’expérience des proches d’une personne qui choisit la mort et partage une manière lumineuse de traverser cette épreuve par l’amour qui transcende tout.

Une mort violente malgré la préparation

En Belgique, l’euthanasie est légalisée depuis 2002 et rémunérée, pour le médecin qui la réalise, depuis le 1er novembre 2025. La démarche ne nécessite que deux signatures de médecin et peut prendre quelques semaines. Pour le papa de Claire, cela s’est fait en six semaines, après seulement deux rendez-vous chez le psychologue : « Cela a été rapide je trouve, tout a été très vite », raconte-t-elle. Bien que la procédure soit courte, elle est vécue par sa famille comme une lente souffrance. Une fois que le choix du patient a été fait, il devient difficile de faire face à la mort imminente et douloureuse : « Je n’en pouvais plus moi. Je lui ai dit : "si tu as pris la décision, il faut qu’on avance". J’en avais marre qu’on tourne en rond. C’est dur pour les proches, surtout dans ce cas-ci puisque c’était une maladie depuis des années », explique Claire. Sa famille portait depuis longtemps la question de la mort et de la vie, tout en ne sachant pas quelle issue prendrait le chemin de leur père. « J’ai trouvé cela horrible, car je savais très bien qu’il voulait mourir, mais on peut toujours espérer que cela change », partage Claire.

La mort dans ce cas est le fruit d’un choix mûri, puis d’une procédure médicale quasi administrative. Paradoxalement, le fait que cette décision soit préméditée, et donc que la famille y soit préparée, n’a pas diminué la brutalité du décès pour les proches : « C’est violent, c’est comme un suicide mais en préparé, donc je trouve cela plus violent », estime Claire. « On a le temps de se poser la question », ajoute-t-elle. Elle déplore qu’en Belgique, la démarche soit banalisée et estime qu’il y a une « anesthésie générale » de la réflexion sur ce sujet. « Quasi personne ne se rend compte du problème car personne ne prend le temps d’écouter », poursuit-elle. Sans être un tabou, pour la plupart des gens, l’euthanasie ne serait plus une question sur laquelle il faudrait se pencher.

Accompagner le proche dans le respect et la vérité

Les proches de ceux qui choisissent l’euthanasie se retrouvent souvent confrontés à un dilemme : à la fois, ils souhaitent voir vivre l’autre mais, en même temps, ils veulent respecter sa liberté individuelle. Ces deux positions sont parfois difficiles à conjuguer et peuvent conduire à des déchirements familiaux. La famille de Claire a osé s’exprimer avant que la décision soit irrévocable, mais « on ne peut rien contre la liberté de l’autre », rajoute-t-elle. « Je crois quand même que c’est important de lui dire, de respecter à la fin, mais de dire que ce n’est pas une bonne solution. Moi, je vois qu’il y a autre chose à vivre », s’exclame-t-elle. Et Claire n’a pas pu retenir la vérité qui l’animait. Pour elle, aimer jusqu’au bout signifie aussi espérer jusqu’au bout pour l’autre : « tu as envie d’écouter l’autre dans sa souffrance, mais je trouve que tu l’aimes encore mieux quand tu as l’espérance de lui dire : "c’est normal d’avoir envie de mourir mais c’est beau aussi de vivre", lui montrer qu’il y a autre chose à vivre que la mort », témoigne-t-elle. Elle considère que c’est un acte d’amour d’être dans l’espérance et dans la confiance qu’il y a toujours quelque chose à vivre, même si la vie est différente.

« L'amour est toujours plus fort »

L’euthanasie renvoie chacun au mystère de la mort et de la souffrance. Quant à Claire, c’est au moment où son père choisit la mort, qu’elle choisit doublement la vie. Elle explique vouloir porter le « oui » de son papa. « Cela a été une vraie conversion pour la vie. C’est sûr que cela a aussi réveillé beaucoup de désespoir et beaucoup de colère et, à la fois, beaucoup de paix et d’envie de vivre. De me dire que papa n’a pas eu la force d’aller au bout : pour lui j’ai envie d’y arriver », partage-t-elle. Atteinte de la même maladie que son père, il ne lui est pas tous les jours facile d’accepter d’être dépendante des autres. Néanmoins, elle garde la conviction « qu’on n’a pas à avoir peur d’être un poids », ajoutant qu’« on est tous des poids les uns pour les autres, de manière différente et à des moments différents ». Elle en conclut que c’est à chacun de le voir différemment, de savoir recevoir les paroles et le soutien, « accepter l’amour en fait », résume la jeune Bruxelloise.

Le témoignage de Claire a redonné de l’espérance à ses lecteurs, nous dit-elle. « J’ai eu de nombreux retours suite à mon livre, de personnes que cela a aidé à mettre d’autres mots face à quelqu’un qui avait demandé la mort. Cela porte de beaux fruits », résume-t-elle. Quant à sa propre famille, elle explique que cette épreuve les a soudés et que malgré des différences, ils se sont rejoints sur un point : l’amour. « Je me rends compte qu’on est tous d’accord, que l’amour est toujours plus fort » révèle Claire, pleine d’espérance.

Ombeline Marignane

Date de dernière mise à jour : 05/11/2025

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