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Vente de Biogaran : de l’importance de la souveraineté

C’est le sujet qui agite la sphère économique française et représente un véritable enjeu de souveraineté : le géant français de l’industrie pharmaceutique Servier souhaiterait vendre sa filiale Biogaran, qui emploie plus de 8.000 personnes en France et fournit un tiers des médicaments génériques consommés dans le pays.

Biogaran est à vendre : pourquoi l'intérêt de certains racheteurs du leader  français des médicaments génériques inquiète ? - midilibre.fr

Une information qui ne manque pas de faire réagir. Ainsi, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, a déclaré : « S’ils souhaitent le faire, je serai extrêmement ferme et j’examinerai toutes les conditions qu’on peut imposer. » Il a menacé de mettre son veto à cette vente si certaines garanties n’étaient pas données. De leur côté, les députés LR Yannick Neuder et Éric Ciotti ont envoyé un courrier à l'Élysée pour faire part de leur inquiétude. Parmi les quatre repreneurs potentiels, deux sont indiens. Certes, le pays est un partenaire de longue date de la France et, par bien des aspects, l’un des plus fiables. Il n’en demeure pas moins que lorsque nous touchons aux questions de souveraineté stratégique, encore plus dans un secteur aussi important que la santé, la France ne peut et ne doit compter que sur elle-même. Permettre qu’une entreprise telle que Biogaran passe sous pavillon indien donnerait à ce pays un formidable moyen de pression sur le nôtre. Imaginons, un instant, qu’un dossier nous oppose et que New Delhi nous fasse un chantage au médicament, que pourrions-nous y faire quand Biogaran fournit un tiers des médicament génériques que nous consommons ?

Industrie et souveraineté

C’est donc un sujet qui, par bien des aspects, intéresse notre souveraineté. Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, en parlait, ce 23 avril, au micro de Sonia Mabrouk sur CNews : « Un pays qui se désindustrialise n’est pas un pays souverain. » Si la France devient complètement dépendante de puissances étrangères, alliés ou non, ce seront elles qui, par la force des choses, détermineront notre politique. La souveraineté est la condition de notre puissance et notre puissance est la condition de notre capacité à régler nos problèmes. Comment s’occuper d’insécurité, d’immigration, etc., sans que le pays ne soit puissant et donc souverain ? Contacté par BV, le professeur Frédéric Bizard, économiste, spécialiste des questions de protection sociale et de santé, nous explique : « La vente de Biogaran est liée à une politique qui a rendu cette industrie non rentable. On est positionné sur des anciens produits à base chimique. Il aurait fallu restructurer vers les produits innovants comme les biothérapies. C’est un scénario de cauchemar, car la France va devenir un désert médical en matière de production et donc de santé. » On se souvient des déclarations lénifiantes du Président Macron qui, au plus fort de la crise sanitaire et face aux pénuries de médicaments qu’elle engendra (et qui, d’ailleurs, ne sont toujours pas résolues), avait déclaré : « Nous devons continuer à produire dans notre pays et sur notre continent. » Chou blanc, donc.

Chantages et otages

On le comprend, la question de la souveraineté est capitale pour éviter que des puissances étrangères ne nous fassent du chantage et nous prennent en otage. Certes, mais le rôle du gouvernement doit aussi être d’éviter que ce chantage soit exercé par des entreprises, fussent-elles françaises. Servier, dont Biogaran est une filiale, était déjà au cœur du fameux scandale du Mediator™, médicament ayant causé la mort de centaines de personnes. De là à penser que l’entreprise se soucie plus de profits que de santé publique, il n’y a qu’un pas. Pour Frédéric Bizard, le problème n’a que deux solutions, « soit Servier vend Biogaran, soit le tarif des médicaments génériques augmente ». C’est précisément ce que redoute Nathalie Coutinet, experte de l'économie du médicament, qui déclarait dans Libération : « Tout cela va sûrement servir aux laboratoires pour tenter d’obtenir des augmentations du prix des médicaments anciens de la part de l’État […] Il ne faut pas tomber dans le panneau du chantage à la hausse des tarifs et à la distribution de subventions publiques pour maintenir la souveraineté sanitaire. » De l’importance de l’industrie, de la souveraineté et de la puissance…

Louis de Torcy

Date de dernière mise à jour : 27/04/2024

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